16.7.16

LES BOUTS DE PAPIER


Tu te promènes dans la rue, tu viens de t'acheter quelque chose au magasin, n'importe quoi, genre une pomme, et là tu vois le petit collant sur la pomme, donc tu l'enlèves pour la manger. La pomme, pas la collant. Et là le petit papier te colle sur les mains parce que c'est exclusivement à ça que ça sert. Tu réussis finalement à assez jouer avec pour qu'il colle pu, et là vient la décision.


Ben oui, tu peux le lâcher par terre, ton micro-morceau de papier qui colle. Si tu y penses pas, tu t'en rappelleras pas deux ou trois secondes plus tard. Il va probablement pogner dans le vent et se ramasser n'importe où, ou juste coller au trottoir et éventuellement disparaître.

Sauf que, des fois, ça arrive que t'as une conscience un peu conne qui arrive, mélangée à un fond de fierté. T'as le bout collant décollé dans les mains, pis tu le regardes. Pis tu penses Ouin y doit avoir une poubelle pas loin, c'est ben la moindre des choses, en te disant que tu chies toujours mentalement sur les autres parce qu'ils recyclent pas ou prennent pas soin de la planète. T'es tellement mieux que ça, toi.

Et là t'arrives à la conclusion, en regardant assez loin autour de toi, qu'il y en a pas de poubelles à proximité. Et tu roules encore le petit bout de papier entre tes doigts. Tu contemples de juste le laisser tomber par terre, parce que c'est ben juste un bout de papier. Pis que tu peux pas juste mettre ça dans tes poches en attendant. Ça va rester pris ou ben tu va l'oublier pendant deux ou trois semaines et quatre cycles de lavage. 

Ben oui, fais-toi accroire que tu laves tes jeans deux fois par semaine, champion.


Sauf que ta tête, elle, elle pense pas pareil. Ta tête a un certain orgueil, ta tête aimerait ça penser de toi que t'es mieux que ça. T'es pas assez poche pour jeter ça par terre, voyons! C'est un minuscule papier! Garde-le dans tes mains pis attends une poubelle! Sauf que tes mains en même temps ont vraiment le goût de le lancer. C'est justement juste un petit papier tout insignifiant. Tu devrais pas te faire un débat interne là-dessus, t'es pas en train d'exterminer une espèce de félins ou de vendre tes parents. Et en même temps comment est-ce que t'es censé te sentir bien avec ta conscience écologique quand t'as même pas le cœur de pas micro-polluer avec une chose aussi insignifiante? Si toi t'es même pas capable de gérer une aussi petite chose, comment est-ce que tu peux exiger de l'humanité qu'elle fasse mieux avec des millions de tonnes de déchets?

Pis là ton problème de bout de papier devient exponentiellement plus existentiel par rapport à toi pis ta volonté. Tu le sais que c'est juste un insignifiant collant de pomme, mais ta vie en entier passe dans ça. Tu te trouves tellement, tellement décevant de manquer de volonté à ce point-là, d'avoir même pensé lancer ça comme ça sur le trottoir. T'aurais préféré jamais avoir à passer à travers ça. Juste, nonchalamment, t'en départir sans y penser. Tu te mets à remettre en question ce que t'es vraiment, dans le fond, par rapport à l'idée que tu te fais de ta personne, tout en fixant le maudit morceau de papier qui colle de moins en moins.

Pis finalement tu trouves une poubelle tellement ta réflexion a été longue, pis tu tentes de le lancer dedans. Ça fonctionne semi, mais le geste est là. Pis t'es vraiment déçu de toi-même d'avoir eu à passer à travers tout ça. Toi qui te pensais un Parfait Écoresponsable Citoyen du Monde.

Mais bon, c'est dans les petites choses que tu finis par réaliser l'ampleur de la beauté, et de la stupidité humaine.

9.7.16

L'ÉCOULEMENT DES JOURS

Tu te lèves un matin un peu tout croche, sans vraiment savoir pourquoi. T'as les membres qui croustillent un peu trop à ton goût et les paupières qui combattent pour pas lever plus haut qu'au tier des yeux. Pis c'est là, en essayant de te glisser tranquillement le corps en dehors du lit, que tu réalises que t'as dix ans de plus qu’hier.

Pas littéralement dans le sens que t'as dix ans de plus qu'hier. La vie, c'est pas de la science-fiction. Mais que tu réalises que tu vieillis toi aussi, comme tout le monde. Pis ça te fait chier, parce que toi, dans ta tête, t’allais toujours être quasi invincible. T’allais pas être comme les autres, toi. T’allais pas vieillir et devenir plate, te magasiner une maison en banlieue, vivre ta petite vie et just roll with it ‘till the end.

Non, toi, dans ta tête, ta vie allait être comme dans les films. Ça allait être excitant, t’allais faire des choses extraordinaires, vivre ta vie avec une soundtrack mémorable en arrière-plan. T’allais changer le monde, peu importe comment, et sans savoir ce que ça veut dire vraiment. T’étais destiné à de grandes choses, grandes on sait pas à quel point, et sans vraiment savoir c’est quoi des grandes choses, concrètement.

Mais c'est pas comme ça que ça fonctionne, ben non. Ça avance pis tu réalises que tu vis ta vie comme tout le monde. Même si tu le sais que toutes les vies sont uniques et que c’est à nous de se réaliser à notre plein potentiel comme dans un livre de self-help, ça revient quand même à du semi ordinaire. Et que tu finis toi aussi par devenir comme tout le reste, à devenir un petit quelque chose commun.

En fait, tu le devient, mais tu l’as toujours un peu été. Ton être change pas du jour au lendemain quand tu sors de l’école pour te lancer dans le merveilleux monde du marché du travail. T’as toujours été un peu comme les autres, même quand tu te cherchais dans tous les racoins de ta chambre et de la ville étant adolescent. C’est juste que dans ce temps-là, tu te donnais encore le droit de rêver à plus. Dans ta tête, t’étais autre chose, t’allais pas être comme tous les autres. Tu te cherchais peut-être un peu trop, comme on le fait tous à cet âge là, mais au moins, t’avais l’ambition de te trouver, d’être quelque chose d’unique, d’être différent. 


Et c’est ça qui est admirable chez les plus vieux qui essaient et qui foirent. C’est qu’eux, au moins, ils essaient. Ils l’ont pas perdu, la flamme de leur jeunesse qui leur faisait voir leur avenir avec l’espoir ou le désespoir d’en faire quelque chose d’autre. De voir grand. On parle toujours de l’adolescence comme le moment où on vit tout trop intensément, mais c’est toujours mieux une trop grande intensité qu’une apathie désolante. Ben oui, être assistant-gérant dans un magasin d’outils c’est pas aussi excitant que tu l’aurais voulu. Tough shit. Ta job, c’est pas qui t’es. T’as encore le droit d’aspirer à mieux au niveau personnel, à ce qui se passe dans ta tête.

Pis là y’en a qui diront que le vrai monde, c’est pas juste celui que tu t’imagines dans ta tête, mais celui aussi auquel tu dois te confronter à un moment ou à un autre. Celui des guerres, des terroristes, des fuckers à gauche et à droite. Ben oui, c’est déprimant. C’est horriblement déprimant de regarder notre monde, de se dire qu’il sidestep plus qu’il avance. De se dire qu’autant de gens veulent se tirer dessus pour des raisons stupides plutôt qu’au mieux s’aimer, ou au pire juste rester indifférent les uns envers les autres. Mais non, c’est pas ça la vie. La vie c’est plein de belles choses, mais plein de monde aussi qui veulent juste en voir d’autres mourir. Plein de monde qui font des affaires croches, qui font mal à d’autre monde et qui s’en sacrent. Pis ça c’est certain que ça te fuck une vision du monde. Ou que ça renforce ta vision fuckée.

Mais que tu sois initialement super positif ou super négatif, le pire, c’est quand tu finis par juste t’en sacrer. Quand tu finis par juste chercher le confort personnel, quand t’as pu le goût de crier de temps en temps parce que ça te fait chier, quand t’as pu le goût de sourire pour aucune raison en te promenant dans la rue, quand t’as pu le goût de pleurer parce que tu te surprends toi même à être beaucoup trop émotif devant quelque chose de semi-insignifiant.

C’est quand tu te crisses à cent milles à l’heure dans l’apathie de ta vie que tu t’efforces méthodiquement à rendre plate et prévisible, que tu deviens tout ce que tu redoutais devenir étant plus jeune.

Si la vie t’a pas encore trop chiée dans le visage, y’a des bonnes chances qu’il soit pas encore trop tard pour te réveiller dix ans plus tôt dans ta tête, même si ton corps risque de te le reprocher de temps en temps.

Mais au moins, y’aura quelque chose à te dire, au lieu de juste, lui aussi, mourir à petit feu.

27.5.16

LA DÉROUTE

Vous savez, quand c'est juste amusant de pas suivre la route qu'on se trace à longueur de journée dans la tête. Ce superbe chemin dans un beau jardin qu'on se dit souvent assez évident à traverser, mais qui nous prendra finalement au moins toute une vie pour passer à travers, si on est chanceux. Pas qu'on sera chanceux si ça prend toute la vie, mais plutôt si on passe au travers. Du chemin. C'est une métaphore. On se comprend.

Une déroute volontaire pour fucker un peu la routine, pour pas se ramasser à regarder la Poule chaque mercredi soir en se disant que c'est totalement une activité normale et saine. Histoire de pas devenir un mollusque intellectuel. 

Et pas non plus pour nécessairement se transformer en une nouvelle personne épicurienne en recherche d'un fruit caché au Népal. Juste de briser un peu la monotonie dans laquelle on s'installe trop facilement. 

D'ailleurs, parlant d’épicurie, on peut s'entendre que le buzz autour du mot est pas mal terminé quand c'est rendu que le concept autour de la pub de la région de Charlevoix est basé là-dessus. Comme tout ce que Salut Bonjour touche. Habituellement, ça veut dire que c'est déjà mort.

Faque une jolie déroute contrôlée. Passer par la pas même rue que d'habitude, juste pour faire un peu différent pis voir le chemin un peu. Et même si on est de nature un peu moins exploratrice, ça peut juste être de changer de style de pain hot dog. C'est dans les petites choses, même quand ça sonne pas super excitant. Parce que ce l'est pas tout le temps tant que ça, mais ce l'est toujours ben plus que quand tu le fais pas. 


Ton Métro Boulot Dodo, déjà qu'il sonne super déprimant juste à le mentionner, t'es pas en plus obligé de t'arranger pour qu'il soit toujours identique, tous les jours, tout le temps. T'as le droit d'apporter des petits ou gros changements, de changer l'ordre, d'ajouter des étapes, de changer le monde. 

Wow, calme-toi matante, t'es pas Nelson Mandela non plus.

Parce que ça va te tuer un peu, tranquillement par en dedans, ta routine super routinière. Oui, y'a des gens qui disent aimer la routine super routinière. Mais y'a plusieurs personnes un peu mortes à l'intérieur, aussi. À chacun ses idéaux. 

Donc un beau message digne d'un motivateur qui fait des conférences, de dire de pas toujours faire la même chose, de combattre la monotonie du quotidien. Et on se dit tous ça de toute façon, qu'on est pas si plate que ça. Mais c'est pas toujours vrai. Y'a des gens plates. C'est comme ça. 

C'est parce que c'est pas en refaisant toujours la même chose que tu vas apprendre du neuf, que tu vas te rendre compte que y'a don ben plein d'affaires amusantes partout, que y'a pas mal plus de couleurs que tu pensais. La routine, c'est pas juste le confort, mais aussi le risque de devenir une crêpe apathique. 

Pis t'as pas le goût d'être une crêpe apathique.