Aimer les gens, le monde en général.
Vouloir le bien du peuple, des autres, de tout le monde. Rêver d'une sorte
d'équité entre tous. C'est joli.
Pis là tu donnes du change à un itinérant
en te disant que tu fais ton bout de chemin, que tu participes à donner un
monde meilleur aux futures générations, même si y'a pas vraiment de lien entre
les deux. Au moins il pourra peut-être s'acheter un café ou un sandwich pas
trop passé date. Tu te dis que c'est pas pire, que tu peux pas faire ben ben
plus avec ton petit salaire. Et là juste comme tu t'en vas pour traverser la rue
tu l'entends crier des choses vraiment racistes à un gars qui a l'air vaguement
arabe.
Pis là tu t'arrêtes chez Van Houtte,
Second Cup ou n'importe quel autre café du genre. Sauf Dunkin' Donuts, parce
que y'en a pu nulle part, ou presque. Et là tu vois deux dames âgées parler de
leur retraite, du fait qu'elles ont pas grand-chose pour vivre à cause de ceci
et cela et d'autres coupures. Tu te dis que si au moins tes impôts étaient
mieux gérés, ben ça te dérangerait pas d'en payer autant ou un peu plus pour
ces madames-là, les jeunes dans la misère, pour ceux qui en ont besoin, tant
que ça leur reviendrait. Tu te dis que ça serait dont le fun que ça marche comme ça. Ça te fait
espérer. Et là t'entends Petite Madame sortir de nulle part que si les criss de jeunes travaillaient plus fort
comme dans leur temps on en serait pas là, et là elle part ben raide dans une
sphère que t'aurais pas voulu la voir aller.
Pis là tu te demandes pourquoi t'arrêtes
pas de vouloir aider ce monde-là dans ta tête, quand dans la réalité c'est du
monde que t'aimerais même pas si tu les connaissais. En fait, tu les
mépriserais solidement. T'aurais même pas des connaissances en commun avec eux,
c'est pour dire.
C'est pour ça que c'est mieux de se baser
sur le grand concept général des gens quand soudainement on a une lancée
d'altruisme. Parce que c'est bien dommage, mais les gens pris individuellement
seront jamais à la hauteur de nos attentes. Certains oui, mais d'autres non. Tu
peux pas aimer tout le monde partout. C'est impossible. Et normal. Alors faut à
la place que tu te contentes de te dire que c'est pour le bien général. Avec un
grand B si tu le sens comme ça. Que tes petites actions vont aider du monde que
t'aimes pas, genre du monde que t'enverrais chier si t'avais une conversation
de plus de trente secondes avec eux. Genre les gens que t'oses même pas croire
qu'ils existent quand tu vois leurs commentaires de marde partout sur les
Interwebs. Et quand même les faire, tes bonnes actions, parce que t'es une bonne personne, tu
penses. Et ça contribue à quelque chose qui va dans le bon sens.
C'est déjà ça.
Et c'est un peu ça la vie aussi, pas trop
s'attarder aux détails quand t'as des visées plus grandes. Sinon, personne
aiderait personne, ou juste entre petites cliques. Comme des tribus. Sans
Dana.
Et on veut pas aller là, parce que ça
serait encore pire. Même un petit bon est mieux que rien. Parce que tu te
débarrasseras jamais de tout le monde que t'aimes pas.
Faque essaie d'être mieux qu'eux.