Disons que toi ton restaurant préféré c'est le Casse-Croûte Chez Johanne parce que ses patates c'est les meilleures au monde, c'est écrit sur la pancarte décrochée à 45 degrés en avant avec les néons à moitié morts qui flashent ass - r ût ez Jo ne. Lisette la serveuse qui est là chaque matin est ben ben gentille avec toi, toujours le refill de café gratuit parce qu'a te connaît de face, mais pas de nom. Les œufs sont corrects la plupart du temps, le bacon est pas précuit, ce qui est un plus. Et c'est raisonnable comme prix pour ce que c'est. T'aimes ça, chez Johanne.
Ça fait des années que tu y vas, chez Johanne, même si t'as jamais vu Johanne la propriétaire. Tu te demandes si c'est vraiment elle qui run la place ou si c'est juste le nom de l'ancienne femme de l'ancien propriétaire. Ou une personne fictive. En fait, t'en sais rien, tu sais même pas qui est derrière, ni depuis combien de temps c'est là.
Pis là un matin t'arrives pis le café est rendu un dollar plus cher. Étonnant, il avait jamais vraiment augmenté aussi loin que tu te souviennes. Sauf pour accoter l'inflation, disons, comme pas mal tout. Faque t'en fait pas un plat à Lisette. C'est juste un café après tout.
Et là deux semaines plus tard, c'est ton deux œufs bacon patates qui augmente d'un dollar et cinquante pis t'as une confiture en moins. Ton déjeuner est rendu officiellement moins abordable. Lisette a environ vingt pour cent moins de sourire dans le visage, mais tu te dis que c'est des choses qui arrivent. Tu lui passes un petit commentaire sur les deux augmentations, et elle te répond que la propriétaire, qui est, surprise, finalement Johanne, a dû faire des coupures dans les dépenses et augmenter certains prix pour pouvoir arriver. Parce que les temps sont pas faciles. Et tu te dis que c'est la réalité des choses.
Et les semaines passes, et tu remarques que Lisette est pu là chaque matin, que des fois c'est une autre que t'as jamais vu. Et y'a de plus en plus de banquettes vides. Donc pour faire du small talk tu fais le commentaire à la nouvelle que y'a moins de monde, et elle te répond avec un demi sourire. Pas grave, c'est moins sympathique que Lisette, mais c'est la vie.
Prochaine fois que tu vois Lisette, tu lui demandes comment ça elle est pu là chaque matin. Et elle te dit que Jo lui a coupé des heures pour en donner à sa nièce qui sourit à moitié, parce qu'elle lui coûte moins cher, parce que c'est de la famille. T'arrêtes de parler de ça à Lisette parce que tu vois bien que l'émotion lui monte dans les yeux, et tu voudrais pas gâcher ce qui lui reste de sourire.
Et plus le temps passe, plus tu remarques que le restaurant se vide, et que le café goûte de plus en plus l'eau de vaisselle. Même l'odeur de casse-croûte de la place a disparu. Ça sent juste l'apathie amère.
Le lendemain, t'en glisses un mot à Lisette, qui s'ouvre étonnamment à toi en te disant que Johanne a changé, qu'elle a coupé dans le resto pour sauver de l'argent à plusieurs niveaux pour rétablir ses finances coûte que coûte, et que tout ce que ça donne, c'est que la clientèle fuit parce que le service et les repas sont rendus déficients et qu'elle a de la misère à y arriver avec ses nouvelles heures de temps partiel. Tu te dis premièrement que Lisette est capable de vraiment mieux s'exprimer que t'aurais cru possible, et ensuite que Johanne doit vraiment avoir des problèmes financiers majeurs et irrécupérables si a doit pratiquer la mini austérité comme ça.
Et c'est là que tu vois une madame sexagénaire sortir du bureau en arrière, quitter le resto sans rien dire, et partir en Lexus.
Tu regardes Lisette la regarder avec un fond de mépris et une façade de dégoût, et tu comprends que c'est elle, Jo ne.
Et qu'une Lexus, ça vaut plus à ses yeux que la qualité de vie des Lisette et que son resto. Et plus que ton restaurant favori qui est en train de le devenir de moins en moins, à grands coups de Johanne.
Et que même si t'aimes ben Lisette, toi aussi tu risques d'aller voir ailleurs pour ton café et tes œufs. Parce que le concept de la nouvelle Johanne t’écœure. Et le nouveau café aussi.
Et plus le temps passe, plus tu remarques que le restaurant se vide, et que le café goûte de plus en plus l'eau de vaisselle. Même l'odeur de casse-croûte de la place a disparu. Ça sent juste l'apathie amère.
Le lendemain, t'en glisses un mot à Lisette, qui s'ouvre étonnamment à toi en te disant que Johanne a changé, qu'elle a coupé dans le resto pour sauver de l'argent à plusieurs niveaux pour rétablir ses finances coûte que coûte, et que tout ce que ça donne, c'est que la clientèle fuit parce que le service et les repas sont rendus déficients et qu'elle a de la misère à y arriver avec ses nouvelles heures de temps partiel. Tu te dis premièrement que Lisette est capable de vraiment mieux s'exprimer que t'aurais cru possible, et ensuite que Johanne doit vraiment avoir des problèmes financiers majeurs et irrécupérables si a doit pratiquer la mini austérité comme ça.
Et c'est là que tu vois une madame sexagénaire sortir du bureau en arrière, quitter le resto sans rien dire, et partir en Lexus.
Tu regardes Lisette la regarder avec un fond de mépris et une façade de dégoût, et tu comprends que c'est elle, Jo ne.
Et qu'une Lexus, ça vaut plus à ses yeux que la qualité de vie des Lisette et que son resto. Et plus que ton restaurant favori qui est en train de le devenir de moins en moins, à grands coups de Johanne.
Et que même si t'aimes ben Lisette, toi aussi tu risques d'aller voir ailleurs pour ton café et tes œufs. Parce que le concept de la nouvelle Johanne t’écœure. Et le nouveau café aussi.