7.10.14

LA GRANDEUR

Grandir. On commence tout petit. Un petit rien, ou un petit tout. On grandit, dans notre tête et dans notre corps. On veut devenir grand, on devient un des grands. On voudrait retrouver le temps où on était petit. Ça nous manque, de pas être petit, mais on continue de grandir, pas dans notre corps, mais dans notre âge. On devient plus vieux, on en a de plus en plus grand à regarder derrière, et moins devant. Et puis on pense à tout ça.

On se demande combien grand ou petit on est. On se demande si on a été à la grandeur, si on le sera. On se demande si on fait partie des grands, ou des petites gens. On pense aux grands qui ont été, et desquels on ne sera probablement pas. Mais qu'au moins, on sera le grand d'un autre, de nos petits qui deviendront grands.

Et puis y'a tout ce qui est plus grand que nous, ce qu'on a de la misère à s'expliquer. Quand on se prend une grosse fin de semaine là où on peut voir le ciel et tout ce qui est plus grand que lui. Qu'on voit les petites lumières lointaines éclairer la nuit, couchés sur le sol. Tout d'un coup, on se sent petit, très petit. Les petites étoiles qui sont infiniment plus grandes que nous, qui existaient y'a longtemps, des fois toujours, et desquelles rien de plus qu'une faible lumière qui se rend à nos yeux.

Et c'est d'une magnitude de grandeur qu'on peut à peine s'imaginer. On se dit souvent être un grain de sable dans l'Univers, mais même ça, c'est généreux. On est si petits, des micro-organismes comparativement à certains astres. Les vrais, les choses lointaines qui seront jamais rien de plus que des objets qu'on voit dans un énorme télescope, pas ceux de l'horoscope.

Notre immense Terre, celle de qui on rêve faire le tour au moins une fois avant de s'en retourner. Celle qui est la scène de toutes nos joies, de nos peines, de nos réalisations, de nos guerres, de nos victoires, de nombreuses défaites, d'inventions qui font en sorte qu'on se comprend mieux, qu'on comprend mieux ce qui est autour de nous, même si des fois c'est tellement grand que notre petit cerveau arrive pas parfaitement bien à tout comprendre. 

Comme demander à du plancton d'expliquer les montées et les chutes d'empires, les civilisations et les religions.


Réaliser qu'on est excessivement plus grands que certaines choses, et profondément plus petits que d'autres. Se remettre dans un contexte qui pour un moment nous fait un peu flotter dans notre tête, qui nous amène dans un état d'esprit où on peut seulement tenter d'imaginer ce à quoi on sera jamais confrontés. Comme une étoile mille cinq cents fois plus grande que notre Soleil. Une échelle qu'on se dit capable d'imaginer, sans jamais vraiment en comprendre l'ampleur.

C'est comme ça qu'on commence tout petit. Qu'on devient ensuite un peu plus grand, mais jamais très grand. Peut-être plus que d'autres, mais qu'on reste quand même petit. Et c'est pourtant comme ça qu'on vit tous plein de changements à notre petite échelle où toutes les métaphores cosmiques se vaudraient autant les unes que les autres. Puisque tout se répète perpétuellement, du plus petit au plus grand.

Et le réaliser, qu'on est tous plus petits que grands.

Et retrouver à ce moment une parcelle de modestie face à sa grandeur.


26.9.14

LES TEINTES DE ROUGE ORANGE

C'est l'automne. Si t'es du style hémisphère nord. Pour les places nordiques, ça paraît plus que pour d'autres. L'automne sous les palmiers, c'est moins coloré. Pas de la même manière en tout cas. Ça change pas. C'était vert? Ça reste vert. C'est beau par contre, mais ça reste pareil.

C'est pas ta faute, l'automne. Ça arrive éventuellement. Assez souvent après l'été. Et si c'est pas le cas pour toi, tu devrais consulter. Les festivals intéressants sont terminés. Les gros chandails reviennent.

Non mais, regarde moi le beau pachmina. Tu penses tu qui vient directement des Indes?

C'est là que les feuilles passent du vert au jaune et rouge et orange. C'est super beau, pour environ deux semaines. Après ça c'est mort. On est rendu avec du terrain de feuilles qu'on met dans des sacs orange. Pour rappeler l'Halloween ou juste pour nous faire acheter des sacs différents. C'est pas grave, c'est plus beau que vert camo.

C'est un peu triste aussi, l'automne. Tu sens que la fin du beau temps arrive. Ça sent pu vraiment vivant. La nature s'en retourne. La neige, le vent, le froid. Et avant ça la pluie, les gens qui restent en dedans et qui regardent dehors. Ça déprime, mais c'est beau, par bouts.

En même temps, c'est normal. C'est un cycle. L'air climatisé se rhabille comme tout le monde. Ça vie et ça meurt. Et ça revit. Les révolutionnaires se calment. Les matantes se réjouissent. Le hockey recommence. Le journal peut finalement arrêter de s'intéresser à des choses importantes.

Front page sur le gardien partant, une journée sur deux.



Et donc les feuilles dans les teintes de rouge orange, l'accordéon qui réchauffe l'ambiance, le foyer qui brûle tranquillement dans le fond du salon. Le chandail de laine, le café Bailey's, le moment agréable entre le parfois trop plein de l'été et le souvent trop peu de l'hiver. Les matins trop froids pour les journées trop chaudes. Les marches où l'air a l'air plus frais que y'a un mois, et pas glacial comme dans quelques semaines. Les pommes qui tombent. Les pommes qu'on mange. Les pommes qu'on achète en trop gros paquets. Les pommes dans n'importe quoi. Le mois de novembre qui a pas de congés. C'mon novembre, aide toi.

L'automne qui dure en théorie de septembre à décembre, alors qu'on sait tous très bien qu'on se dit pas Non mais maudit bel automne qu'on a  trois jours avant Noël.

Et pourtant, c'est primordial comme saison, parce que sans automne, on serait pas prêts. On serait pas prêts à affronter l'hiver deux jours après l'été. Faut prendre ça progressif. Père Noël en septembre, pas sûr.

C'est juste que ça manque de punch, l'automne. C'est la glissade tranquille vers la fin. T'en profites, tu fais de ton mieux, tu contemples, mais c'est calme. C'est le moment du bilan, de regarder en arrière, parce que l'année est pratiquement terminée, vu qui se passe à peu près jamais rien d'ici l'année qui s'en vient.

Et puis un moment donné ça meurt, mais c'est pas grave, parce que t'auras au moins eu l'automne pour en profiter encore un peu avant que ça finisse.

20.8.14

LE HASARD

C'est pas amusant, le hasard. C'est juste des choses qui se passent en même temps parce que c'est comme ça que ça arrive. Tu rencontres quelqu'un dans la rue, t'avais justement pensé à lui hier, c'est le hasard. Juste ça. Pas parce que Mars est en Neptune. Pas parce que c'est ton frère cosmique. Pas parce que c'est le destin. À moins que pour toi, le destin, c'est rien de plus que du hasard. C'était ton destin parce que le hasard en a voulu ainsi.

C'est angoissant, le hasard. Parce que ça te remet en pleine face comment la vie c'est aléatoire. Et l'aléatoire, ça se contrôle pas. Ça fait vingt fois de suite que tu perds à la loto? Même pas gagné un billet gratuit? C'est pas de ta faute, c'est pas parce que tes chiffres sont pas bons. Sont aussi bons que n'importe quels. Comme pile est pas supérieur à face. Tu pourras jamais contrôler ce qui se contrôle pas. Oui, tu peux provoquer les choses, mais c'est jamais la faute du hasard quand c'est provoqué. Genre si tu croises Paul, le bon vieux Paul, le matin après avoir rêvé à lui, c'est probablement juste parce que ce matin là, t'es passé où Paul passe, ou l'inverse. Paul le sait pas que t'as rêvé à lui, du moins, pas avant de lui dire que ça se peut pas des coïncidences comme ça mon Paul! Paul, lui, ton hasard cosmique, on lui en avait pas parlé. Y'était pas dans le coup. C'est chien.

Faut pas s'y fier, au hasard, parce que ça revient essentiellement à se fier au néant. Tout le monde est victime ou miraculé du hasard. Y'a personne qui te regarde d'en haut et qui se dit Oui, lui, aujourd'hui, c'est son jour de chance. La chance, c'est juste un beau gros plus qu'il faut prendre. Parce que c'est dans la moyenne des choses que parfois, ça aille bien. Comme des fois ça va aller mal, et c'est pas à cause de la pleine Lune ou parce que t'as vu un nombre premier de chats noirs.

Le hasard fait pas particulièrement bien les choses. Les choses sont ce qu'elles sont. Le hasard va faire les choses, qu'elles soient bien ou horribles. C'est satisfaisant quand le karma fait une belle job, mais c'est pas exclusif à la personne. Un saint peut mourir du cancer à trente-quatre ans, alors que la pire personne au monde pourrait finir ses jours dans le sud avec une énorme richesse. C'est juste que c'est agréable quand la vision qu'on a de quelqu'un ou quelque chose concorde avec ce qui lui arrive. 

Oui, des fois quand on court après le trouble, on va le trouver, mais d'autres fois non. Et c'est pas moitié-moitié non plus, y'a pas de moyenne du karma. Si t'es du genre à voler une poignée de dépanneur par semaine, c'est assez probable qu'un jour tu te fasses prendre. Mais ça c'est pas une question de juste retour des choses, c'est juste parce que t'es con.




Faut se créer ses chances, pas se fier au hasard. Il en a rien a foutre, lui, parce qu'il existe même pas. C'est juste un mot pour s'expliquer q'il y a pas de lien entre les choses, et ça nous irrite profondément quand on peut pas s'expliquer les choses. Donc on s'invente des créateurs, des forces et des histoires pour que ça fasse moins mal, pour donner un sens à quelque chose qui en a pas toujours.

Pourtant, c'est un peu ça la beauté de la vie, qu'on soit pas capable de tout contrôler et de tout expliquer. Les choses, à cause du hasard, vont parfois être en notre faveur, parfois pas. Et ce sera la faute de personne ou de rien plus grands que nous. Le vide qui existe au-dessus de nos têtes, il est seulement là pour nous faire peur si on ne l'accepte pas.

Bref, une fois le hasard écarté, la seule chance qu'on peut se créer, c'est celle qu'on se fera.

9.8.14

LA CRISE DE L'ÉDUCATION

Non, mais ça va mal. Les enfants. La crise. La fin de l'éducation. Du savoir-vivre. Du respect. Des bonnes manières. Des gens qui ont des relations sociales saines. De se remplir les poumons de l'air frais de l'extérieur. De s'amuser des années avec un vulgaire bâton de bois. Sont tous sur Facebook. Ou leurs téléphones. Ou leurs jeux vidéos. Ils s'en vont nulle part. Ce sera la génération perdue si on ne fait rien.

C'est partout, et à juste titre, que l'on nous parle de la crise de l'autorité. Jamais peut-être l'éducation n'a davantage oscillé entre l'autorité pesante et la folle liberté et chacune sait dans quel sens penche le plateau de la balance! Jamais donc l'autorité n'a paru plus ébranlée et, non seulement, dans le cœur des adolescents, mais dans le cœur des parents qui hésitent et se demandent où réside le devoir: gouverner ou abdiquer?

Une très belle citation tirée directement d'un article du Journal de Montréal de mai 2014 de La Bonne Parole de novembre 1936. Une revue mensuelle féministe et catholique montréalaise. La crise de l'autorité. Des parents, des adultes. Ça va mal, on sait pas de quel côté pencher. S'il faut en donner plus ou moins à nos enfants.

Aie aie aie.

















Le débat dure et perdure. Comment élever les jeunes, nos jeunes, les autres jeunes. Ça a toujours été et ce sera toujours. Les gens tentent de voir une crise dans tout, mais la crise, si on veut en trouver une, est perpétuelle. Le fait que les jeunes sont plus jeunes que nous, et que les vieux sont plus vieux que nous, c'est ça, la crise. On ne peut pas s'identifier à leur monde, parce que le nôtre a été différent depuis le début.

Chaque fois qu'on parle de problèmes majeurs qui guettent nos enfants, c'est parce que c'est différent. Parce que nos enfants, c'est pas nous, c'est eux-mêmes. Ils sont nés dans une époque différente, avec des réalités différentes. Et ce sera toujours, toujours ainsi. Ce qu'il faut regarder, c'est non pas si l'apocalypse est à nos portes, mais bien ce qui est nouveau, pour au moins juger ce qui est bien et moins bien pour un enfant, sans jamais tomber dans l'idée de vouloir recréer notre enfance tellement supérieure, qui ne l'était que pour nous, parce que nous, on l'a vécue. 

Parce que c'est certain qu'un jeune pourrait jamais vivre dans le bon vieux temps, qu'il est ben trop ci et beaucoup trop ça. Mais on se le cachera pas, grand-maman non plus goal pas fort dans le monde moderne. Elle a pas ça un internet chez eux. Et tu pourras pas lui parler des réalités spécifiques à ton monde, parce qu'elle vit pas dans ce monde là. Ben, tu peux, mais y'aura toujours une coupure sur certains points. Et c'est normal. Autant que tu pourras jamais parfaitement bien comprendre ton enfant sur les spécificités de sa génération, parce que t'es pas né en 2003. Post-millénaire. Post-9/11. Post-pré-Internet.

Ton enfant, ton jeune, tout ce que tu peux faire, c'est essayer de lui montrer les grandes lignes. Essayer de comprendre sa réalité sans tenter de la changer pour qu'elle soit la tienne. D'accepter qu'il sera pas toi, qu'il aura pas ta vie.

Et lui aussi, dans une vingtaine d'années, il va dire à qui voudra bien l'entendre que le problème avec nos jeunes, ben c'est qu'on est en pleine crise de l'éducation et qu'il faudrait faire quelque chose pour pas que ça dérape. 

Et que quelqu'un sur une plateforme avec une référence plus contemporaine que le ketchup mauve écrira quelque chose comme ça.

16.6.14

LE GAVAGE

Les canards sont des animaux. Ils sont très jolis la plupart du temps et font Quack Quack parce que Coin Coin ça sonne plutôt comme une mauvaise traduction. 

Coin Coin. Non, ça sonne pas de même, un canard.

On en mange aussi du canard. Parfois. Certaines personnes. Pas tout le monde. C'est comme le cheval. Choix personnel dans le domaine du diversitus carnivarus. C'est excellent du canard, au goût. C'est comme un grade au-dessus du poulet en terme d'évolution gustative. Confit, magret, cassoulet, barbecue. Ce qui semble être les quatre seules manières de préparer un canard, mais qui restent toutes délicieuses.

Et ça arrive qu'on mange un de ses organes vitaux plus que les autres. Le foie. Qui est habituellement abusivement gras, parce que s'il l'est pas, c'est bizarre. Ça se vend pas à l'épicerie juste un Foie de canard. Ou du moins, pas dans les grandes surfaces. Ça vendrait pas. Comme des langues de boeuf ou de la cervelle de mouton. Y'en a dans le display, c'est peut-être excellent, mais on ose pas y toucher par peur de découvrir quelque chose de nouveau. Parce que la nouveauté, c'est pas agréable. C'est épeurant.

Et le foie pour qu'il puisse acquérir ses qualités de gras, ben faut beaucoup le nourrir, le canard. Pas mal beaucoup. Du genre à lui mettre un entonnoir dans le fond de la gorge et l'engraisser jusqu'à ce que son foie soit une grosse masse dégueulasse, mais délectable.

Bon à s'en lécher les doigts.


Et le canard, lui, ben il a pas le choix. Parce qu'il est pris là dedans de toute façon. Il est né pour se faire gaver de pain, et gavé de pain il sera. Il sera probablement jamais conscient qu'il se fait gaver comme ça à longueur de journée, puisque c'est tout ce qu'il a toujours connu. 

Vrai, ça doit pas toujours être agréable de se faire enfoncer un tube dans l’œsophage, mais c'est pas comme s'il avait d'autres rêves, le canard. Ou la canarde. Il est comme dans la Caverne de Platon, mais au lieu d'être son ombre, c'est un gros tuyau de métal qu'il voit sans savoir que c'est lui-même qui bloque la lumière.

La comparaison est sans faille.

Bref, le gavage, on se le cachera pas, c'est une belle technique efficace pour forcer quelqu'un ou quelque chose à avaler ce qu'on veut bien lui faire avaler. Et à force de gaver, on force le gavé à ne plus savoir où regarder ou quoi faire pour éviter le gavage. Quand tu bourres de quoi, tu t'arranges pour qu'il ne reste plus le moindre espace.

Alors comme un bon petit canard pour qui l'existence se résume à être un foie bien dodu pour un chef trendy dans une émission de télé qui nous servira à rien de toute manière parce qu'on est pas assez bon pour recréer les recettes à la maison sur notre comptoir de dix pouces carrés, on accepte tout ce qu'on nous sacre dans le fond de la gueule sans jamais se demander si les pâturages seraient pas plus verts de l'autre côté des murs en bois pourris de la grange dans laquelle on est pris à perpétuité sans s'en rendre compte.

Roucoule mon canard. Roucoule.