27.5.12

RIEN NE CHANGERA NOTRE MONDE

Ça fait longtemps qu'on est là. Dans une forme plutôt humaine, ça fait des centaines de milliers d'années qu'on existe. Qu'on fait toujours la même chose. Qu'on part des guerres, qu'on s'aime, qu'on s'aime pas. Qu'on aime pas l'autre parce qu'il est différent, parce qu'il veut pas la même chose que nous. C'est la roue qui tourne et retourne tout le temps dans le même sens.

Oh, oui, on a évolué. On accepte plus les gens, on accepte mieux la différence. On a une qualité de vie meilleure, pour une petite partie de la planète. On vit dans le luxe, dans le beau. On a ce qu'on veut, quand on le veut, au détriment des autres. En fait, on est une belle partie de la population qui se pense supérieure aux autres, consciemment ou non. On donne aux petits enfants en Afrique, on donne pour qu'ils aient une qualité de vie un peu supérieure. Et on achète nos chandails Made In China. On encourage le quasi-esclavage d'un bord et on donne de l'autre pour avoir bonne conscience. On recycle nos emballages de plastique et on roule au pétrole. On accepte la présence de compagnies qui fuckent solide la planète en polluant à elles seules comme des centaines de milliers d'entre nous.

Mais on s'en sacre. Parce que rien va changer notre monde. Fondamentalement. L'humain est rapace. L'humain veut le pouvoir. On aime son prochain tant qu'il nous fait pas trop chier, tant qu'il se met pas dans le chemin de nos grandes aspirations de vie. On vie en société, mais seulement pour soi. Notre monde ne changera pas parce qu'on veut pas changer notre petit monde personnel.

C'est triste tout ça. On se donne des airs d'hommes et de femmes modernes. On est tellement mieux que ce qui se faisait avant. On accepte des petits changements pas insignifiants en tant que tels, mais insignifiants dans la grande sphère de l'humanité. Ouin mais là tu ratisses large. Ben oui, des problèmes humanitaires. C'est gros, beaucoup trop gros pour qu'on change ça en un an, mais c'est tellement important. Tellement.

On laisse des humains se faire exploiter pour que notre monde soit plus confortable pour certains. Des humains. Des gens qui ont aussi juste une vie à vivre, qui vont travailler dans une usine de marde toute leur vie. Qui auront rien de bon. D'autres qu'on laissera crever de famine dans des zones arides parce qu'ils rapporteraient pas assez même s'ils étaient en santé. Qu'on regarde crever et qu'on s'en fout, parce qu'on en a vu toute notre vie. On considère indirectement certains humains comme étant moins importants. Indéniablement. Par nos actions.


L'indifférence qui tue. Des images de l'international. Quinze secondes. Fini. On passe à autre chose. C'est trop loin, ça nous intéresse pas. Avant on le savait pas, donc ça nous faisait rien. Maintenant on le sait, ça nous intéresse un peu, mais ultimement, on fait pas rien de plus. On participe pas moins à l'exploitation.

On se fait croire qu'on change beaucoup de choses. Et oui, c'est vrai, y'a des progrès, mais franchement. On le sait tous qu'on fait juste exploiter d'autres pays, et ça fait bien notre affaire, parce qu'on paye moins cher. Des partisans silencieux d'une forme d'esclavage.

Et malgré tout, on peut espérer que ça changera. Il faut espérer. Sinon, il reste plus rien, et notre côté sombre aura gagné. Et il faut pas le laisser gagner lui, parce qu'on doit toujours viser mieux, viser quelque chose qui arrivera peut-être jamais, mais qu'on se sera au moins un peu battu pour avoir.

Jamais abandonner même si ça sert ultimement pas à grand-chose. Par principe.

23.5.12

LE CONGÉLATEUR

Y'a quelques années de ça, un jour, il y avait un gros congélateur. Une version un peu moins vieille de moi, comme à son habitude, avait décidé d'y entrer sa tête pour chercher quelque chose au fond. Et l'envie vint soudainement de prendre une grande respiration. Une respiration teintée du grand froid qui y résidait. Une respiration qui réveille profondément notre système, alors que l'air glacé s'infiltre dans tous les pores de notre peau et qu'elle rafraîchit instantanément à sa manière.

L'objet de ma recherche m'échappe. C'était probablement un repas congelé perdu, ou une vieille boîte dont on avait oublié l'existence depuis quelques années, mais ça importe peu. Ce que j'y retrouvai, c'était une odeur de nostalgie. Une odeur imperceptible, un sentiment de froid particulier, qui émane seulement des congélateurs imposants. Une odeur de souvenir, du temps de ma jeune jeunesse, où j'allais aux quelques jours perdre mon temps dans le dépanneur du coin par de chaudes journées d'été. Pour ouvrir la porte coulissante des congélateurs à friandises glacées et plonger ma tête pour en sortir un Mr Freeze. Bleu ou blanc, de préférence. Le dépanneur près du parc New Heaven, qui ne portait pas vraiment ce nom-là, et qu'on nommait mal de toute façon, car la rue qui longeait le parc, c'était New Haven. Celui sur Sainte-Foy, près du gros lave-auto jaune. En plus, eux, souvent, ils avaient des pop-sicles Cyclone qui fondaient dans la bouche, mais qui étaient relativement plus chers qu'un bâton de glace, donc on se le gardait pour les événements-pas-si-spéciaux quelques fois durant l'été. Y'avait aussi celui directement en face du gros lave-auto jaune, mais lui, on l'aimait moins. Il était pas beau.

L'enfance, l'été, le parc, le temps perdu, l'innocence. Tout ça te revient en plein visage, du même coup. Ça te fouette, ça te rend nostalgique. Ça te fait manquer ces moments où tu découvrais le monde, où trois coins de rue, c'était l'autre bout de la planète. Où les limites de ton univers physique, c'était le gros boulevard, pas la Terre entière. Vouloir tout apprendre à nouveau, réapprendre comme si on ne savait rien. Retourner dans le temps où l'odeur du froid d'un congélateur, c'était l'embryon d'un moment de plaisir en devenir.




La force de la mémoire. Sans même qu'elle soit visuelle ou auditive. Des dizaines et des dizaines de souvenirs qui résident dans l'odeur du vide, dans une sensation particulière. Se laisser bercer dans ce qu'on se rappelle de son passé et s'en inspirer pour forger son avenir, pour qu'un jour on puisse penser à ce qui est notre moment présent avec nostalgie.

Essayer de se bâtir une histoire pour ne jamais oublier qu'on a vécu, qu'on a eu de beaux moments et qu'on en aura encore.

Il passera des congélateurs tout au long de notre vie. Il suffit seulement de se mettre la tête dedans au bon moment pour ne pas les oublier, pour ne pas considérer des évènements complètements anodins comme étant seulement anodins.

La vie, au fond, c'est rien de plus qu'une suite d'anecdotes qui forment un grand tout cohérent aux moments opportuns.

12.5.12

LE GRAND FRÈRE ATTARDÉ

Personne ici est visé en particulier. Si vous avez un grand frère et que vous trouvez qu'il souffre d'une déficience quelconque, c'est votre droit. Et là, on parle pas d'un déficient intellectuel. Ça, c'est pas un attardé, c'est une personne atteinte d'une déficience. Y'a un monde de différence entre les deux. Un déficient, il a rien fait pour, ou bien la vie s'est arrangée pour qu'il le soit. Un attardé, c'est pas nécessairement volontaire à cent pour cent, mais y'a une grosse contribution de l'individu dans son statut. Il est attardé parce que c'est sa personnalité de l'être. La distinction est là, si vous la comprenez pas, relisez.

Le grand frère attardé, donc. Le concept de l'aîné qui est pas un exemple à suivre. Et ça, dans le monde des fruits, l'orange en serait l'exemple parfait. En rapport avec la clémentine. Vrai, c'est pas directement son grand frère, mais les deux sont dans la famille des agrumes, donc le lien est relativement proche. Et visuellement, on s'entend, ça pourrait être des frères. C'est rond, orange, ça a une pelure rugueuse. Des frères de jus. Ou des soeurs, vu que les deux sont féminines. Quand on parle de genre, pas visuellement. Parce qu'elles peuvent pas mal inspirer les deux, de ce côté-là. Des formes rondes, c'est universel.

Alors comment est-ce que l'orange se retrouve à être attardée? Parce qu'elle est une version inférieure de la clémentine, malgré sa grosseur supérieure. Justement, sa grosseur. Trop gros. Ça se transporte mal dans à peu près n'importe quoi qui est pas un sac de voyage. Pas efficace. Aussi, une maudite orange, ça se mange mal. Et le coefficient de facilement mangeable, dans un fruit, c'est un facteur non négligeable. La clémentine, tu pèles, tu sépares facilement, et tu manges ça comme tu veux. Tu te la fourres dans la bouche d'un coup, tu enlèves la petite membrane transparente pour manger l'intérieur, tu la manges dans une salade, dans du pain pita. Comme tu veux.  L'orange, elle, premièrement, à moins d'avoir des outils spécialisés, lire ici le petit bâton en plastique jaune avec un bout recourbé avec lequel tu vas quand même te battre comme un fou juste pour l'ouvrir, ça s'ingère pas bien. La pelure s'arrache en petits morceaux, ça te jute dans la face, ça s'écrase de partout. Et là, une fois que t'as réussis, y'a de la genre de peau blanche sur les trois quarts de ton orange. T'essayes de l'enlever, mais ça marche pas, parce que c'est collé. T'essayes de séparer les morceaux, mais ça non plus c'est pas facile, pas comme avec une petite clémentine toute sympathique. Donc tu finis par juste te dire Fuck it et tu la manges tout croche comme tu peux. Pis t'es sale une fois terminé.


L'orange, on devrait juste consommer ça sous forme de jus. Parce qu'on a une forme adaptée à la consommation quotidienne dans la clémentine qui, on se le cachera pas, goûte à peu près la même chose. L'orange est pas un exemple, c'est pas quelque chose que la clémentine devrait aspirer à devenir, même si elle est moins populaire. La popularité, ça fait pas la qualité.

Comme ton grand frère. Ou toute autre forme de grand frère. C'est pas parce que tout le monde s'exalte devant lui qu'il est nécessairement mieux. Pas parce qu'il est plus attirant de l'extérieur à première vu qu'il est plus intéressant quand tu lui arraches la peau. 

Métaphoriquement parlant. On s'entend.

2.5.12

LES CONTES DE FÉES

Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. Et puis plus rien. Le conte est terminé, on ferme le livre, on sort la cassette du lecteur VHS. On va souper, on va s'amuser au parc, ou bien chez un ami. On est jeune, on y croit, on se dit que la vie, ça fonctionne comme ça. Les gens s'aiment, les gens se sont fidèles, ils vont combattre vents et marées pour s'aimer d'un amour pur, pour toujours. Que c'est donc beau, la vie, quand on est jeune.

On se fait vendre du rêve, et on y croit comme si c'était la réalité, comme si c'était ça qui allait nous arriver. On rencontre quelqu'un, on y croit. On se voit vieux avec nos enfants et notre petit château. Et puis finalement, ça se brise, ça s'effrite. L'amour qu'on croyait éternel disparaît. On ne comprend pas trop pourquoi. Pourtant, dans le conte, lui, le prince charmant, son amour, on nous disait qu'il allait durer pour toujours, qu'il serait éternel. On nous avait promis qu'on allait vivre heureux, qu'on allait atteindre la fin joyeuse.

Donc on ressaye encore, croyant que bon, au moins, si c'est juste ça, on aura quelques petits contes de fées à la fin de notre vie. Puis on réalise que non, non, c'est pas le cas. Les gens trompent leur conjoint ou conjointe, vont voir à gauche et à droite, ne veulent pas de relation, savent pas où se positionner. Et puis on se fait chier à travers ça, si on croit toujours aux maudits contes de fées, en se disant qu'on devrait pouvoir s'en sortir indemne si on a encore une vision assez simpliste du monde des relations. Que si y'a nous, y'en a d'autres, non?

Et puis on se fait prendre dedans, directement. Bam. On se dit que ça se peut pas, que pourtant, on voyait encore ça comme des contes de fées. Qu'on y croyait fermement, en essayant d'encourager les autres en leur disant qu'ils trouveraient leur princesse ou leur prince. Que Disney, ben, il avait peut-être pas toujours tort. Mais non, on voit bien qu'autour de nous, c'est pas comme notre vision enfantine du monde que ça fonctionne. On essaie d'être comme ça, on essaie de garder une vision utopique de l'amour, et ça plante. Devant nous, dans nous. On fait quelque chose qu'on se surprend avoir fait, on se dit qu'on aurait jamais fait ça, nous, voyons. Et on le fait, ou on en est victime. Comme si Aladdin était allé voir une autre fille que Jasmine, comme s'il avait promis de la marier pour finalement aller voir ailleurs. 



La bulle t'explose directement dans la face, parce que tu réalises à ce moment-là que le temps de regarder des mondes parfaits défiler devant toi sur une télévision, ben, c'est terminé. La vraie vie, avec tous ses défauts, embarque. Et tu tentes comme tu le peux de t'y adapter, de pas juger les gens parce qu'ils sont pris là-dedans. Parce qu'eux aussi, dans le fond, probablement, tout ce qu'ils veulent, c'est trouver l'âme soeur qu'on leur a vendue quand ils étaient jeunes. C'est juste que la vie, dans tout ce qu'elle a de moins beau à nous offrir, en a décidé autrement au fil du temps. Elle a décidé que de résumer le reste d'une vie en une phrase, c'était pas possible. Que la cassette devait malheureusement continuer à tourner, et que ce qui suivait était pas toujours parfait. Qu'on devrait subir des moments moins magiques à travers tout ça.

Essayer de garder en vie un genre de romantisme quand la vie le veut vraiment pas. Quand elle veut nous prouver qu'on fait juste perdre notre temps. Qu'on devrait juste se dire fuck that et abandonner notre vision trop idéaliste. Parce qu'on essaie trop de viser la perfection. Une perfection qui existe pas.

Par chance, on est toujours quelques cons à vouloir y croire. Même si, tranquillement, ça s'effrite en nous, parce que notre petit coeur tente tant bien que mal de survivre aux embûches que la vie met sur son chemin. Et qu'on tente d'y trouver du bon, malgré tout. Pour sauver le peu de beauté utopiste qu'il en reste.