22.4.12

LES PAPILLONS

C'était y'a de ça de nombreuses années déjà, à l'Insectarium. De mon semi-jeune temps, j'étais allé voir la superbe exposition de papillons en liberté. Plein, plein de beaux papillons qui volent partout autour de nous, qui se posent sur une branche pour qu'on puisse les observer. Des espèces qu'on ne verra jamais de notre vivant, sauf peut-être épinglés dans un musée, derrière une petite vitre. Les papillons volaient, comme à leur habitude. Et puis tout d'un coup, dans l'aménagement de sol terreux gazonneux le long du chemin aménagé, gisait un papillon. Qui ne bougeait pas. Le presque jeune moi se demandait s'il était mort, ou s'il dormait. Ou bien au repos, car les papillons doivent bien se reposer parfois, non?

Pas tellement, non. Il était mort, mais je voulais pas y croire. Parce qu'on aime pas que les papillons meurent. Quand ils meurent, c'est la fin de quelque chose de magique, c'est la fin d'un moment de vie. Les papillons justifient l'engouement pour quelqu'un, pour quelque chose. C'est le plaisir intense du moment, de l’inattendu qu'on attend avec impatience. Quand les papillons meurent, c'est un peu la couleur de la vie qui s'éteint du même coup, c'est la beauté du dessin de leurs ailes qui redevient terre.

Quand les papillons meurent, quand ils quittent notre ventre, on fait comme le jeune moi à l'Insectarium, et on ne l'accepte pas automatiquement. Parce qu'on espère toujours qu'ils reviendront, que la magie de la vie activera sa baguette à miracles et fera que tout reviendra comme avant, que ce n'est qu'une mauvaise passe. Qu'on est pas déjà rendu au quotidien plate, à la routine tellement familière qu'on ne s'y plaît plus. Que la personne qu'on aimait, que nos rêves les plus fous sont rendus banals, qu'ils ne créent en nous plus rien d’excitant, plus de maux agréables.



Et puis c'est normal, après tout. Rien n'est éternel. Les papillons, aussi beaux soient-ils, finissent tous par s'éteindre. Leurs belles couleurs, leurs grandes ailes qui volent au gré du vent, leur apparence tellement unique, tout ça est voué à éventuellement retourner au point mort. C'est connu au moment où la petite chenille sortira de son cocon de confort pour s'envoler dans le ciel. C'est un voyage qu'elle amorce et duquel elle ne reviendra pas, parce que rien ne dure pour toujours. 

Pourtant, on se lance quand même dedans, ce voyage. Parce que c'est ça, vivre. On vit pour avoir des papillons dans le ventre, pour ce peut-être qui arrivera, ces expériences, ces moments pas encore vécus. On anticipe constamment l'avenir, on en profite pour un moment dans le présent, puis ça passe. Notre ventre finit par digérer le tout, un peu malgré nous, parce que la nature est faite ainsi. Même en voulant très très fort, on ne peut rien changer au fait que notre système fait son travail comme il le veut.

Mais bon, avec un peu de chance et de volonté, notre système, on peut heureusement s'arranger pour qu'il prenne son temps, pour qu'il laisse la chance aux papillons de voler un bon moment avant de décider que leur chemin doive s'arrêter.

Pour qu'on puisse profiter au maximum des couleurs qui nous sont offertes.

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