Si vous vous souvenez de ça, vous avez probablement un âge qui est à plus ou moins quatre ans du mien. On revient à nos premiers amours de produits de consommation géniaux. Comme le ketchup mauve l'a été.
Faut retourner en 1997, année charnière dans l'histoire de l'humanité. Visuellement un beau chiffre en plus. Ça coule comme du vin dans la bouche d'un alcoolique. L'Orbitz donc est arrivé cette année-là. D'après ma mémoire, c'est à peu près en même temps que l'Orbite, le manège, est arrivé à La Ronde. Pour ceux qui savent pas c'est quoi La Ronde, c'est le parc d'attraction à Montréal. Arrive en ville. Et tout le monde tripait sur Apollo 13 et Armageddon, les films. Période faste pour les voyages dans l'espace et les noms y étant reliés, donc. Notre produit en question, l'Orbitz, c'était un breuvage révolutionnaire. Qui coûtait probablement un prix exorbitzant pour sa qualité. Har har har. De non-couleur transparente dans une bouteille en vitre, le liquide était au goût de diverses combinaisons de fruits. Combinaisons beaucoup trop complexes genre kiwi fraise carambole steak piment couscous printemps honnêteté fragilité esprit marxisme. Et au final très ordinaires comme saveurs, mais l'intérêt n'était pas là. Oh non. L'intérêt, c'était les petites boules flottantes. D'où le nom du produit. Les billes de gélatine qui flottaient dans le liquide et qu'on pouvait manger en le buvant. De la magie embouteillée. Pour les petits gens de mon âge, ce l'était, du moins. On nous vendait l'espace, comme si ça flottait en apesanteur, comme si on était tous des Marc Garneau. Dans le temps qu'il était astronaute, pas député fédéral pour les libéraux. Les temps changent.
L'Orbitz, j'ai fortement tripé là-dessus cet été-là. Et probablement même pendant l'hiver, mais moins, parce que tu vas pas au dépanneur du coin quand il fait -25 degrés pour déguster tranquillement ta boisson trop sucrée. Tu fais ça l'été quand tu peux te promener dehors et montrer aux gens que t'es cool malgré tes neuf ans parce qu'y'a des boules de couleur dans ta bouteille. On peut donc le voir dans toute sa splendeur sur l'image stratégiquement placée au-dessus de ce paragraphe. Multiplicité de couleurs. Logo funky. Ça rappelle même les lampes lava, qui connaissaient un regain de popularité dans ces années-là.
Puis, évidemment, vint le constat. Probablement à l'été 1998. Ou 1999. Alors que l'Orbitz était rendu rien de plus qu'on bon souvenir dans ma mémoire qui en avait pas encore tant que ça, je me cherchais quelque chose à boire dans un dépanneur. Et quelle ne fut pas ma surprise alors qu'au fond d'un réfrigérateur, je vis un Orbitz. Aux billes jaunes si je me rappelle bien. Le problème, c'est qu'avec le temps, lesdites billes avaient perdu leur effet de flottaison, et gisaient tout simplement au fond de la bouteille.
La magie avait disparu. Et le choc était tel que c'était un peu comme si mon idole de vie s'était avérée être complètement décevante en la rencontrant. L'Orbitz, ce produit duquel j'avais un si bon souvenir, était maintenant réduit à une vieille bouteille passée date au fond d'une tablette de dépanneur. Et malgré toutes les évocations du passé, j'ai préféré la laisser là, pour ne pas perdre le peu de moments mémorables qui m'en restait. Un peu comme lorsqu'on préfère laisser les dessins animés de notre enfance dans notre mémoire pour ne pas être amèrement déçu de leur qualité.
Un constat d'échec. En rétrospective, c'est peut-être l'un des moments phares de mon acceptation de la chute possible de la société de consommation. Un peu comme le ketchup mauve qui tentait de nous vendre l'avenir. À nous, les enfants, les jeunes. Mais quand tu tentes de trop en faire pour être cool, parfois, ça t'explose dans le visage.
Ou bien ça se ramasse en tas dans le fond.
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