11.2.12

LES PROJECTEURS

Un mot qu'on utilise rarement. Presque seulement lorsqu'on dit de quelqu'un qu'il est en dessous d'eux. Comme sur une scène ou au cinéma. Pour dire que c'est son moment de gloire. Ou son moment de déchéance. La majorité en rêve secrètement, de s'y retrouver, pour mettre un peu de piquant dans leur vie, pour vivre comme une star un instant. Un rêve presque inatteignable qui se termine la plupart du temps en déception. Le rêve d'être une personne connue, sans savoir pourquoi on le serait. La célébrité pour la célébrité, comme si c'était un gage de bonheur et d'une belle vie.

La projection comme au cinéma. Le travail du projectionniste. Projeter un film sur un écran géant, la vie de personnages racontée en deux heures. À partir d'une bobine de film ou d'un support numérique. Les images qui défilent les unes après les autres, les sons qui résonnent dans la salle. Tous ces gens assis dans ces bancs en pente, certains mangeant du pop corn, d'autres tentant de s'approcher subtilement de la personne assise à leurs côtés. Vivre quelque chose de marquant, collectivement, pendant deux heures.

Se projeter sur la grande toile de sa vie. Partir d'un petit rien pour se voir plus grand, plus loin. On le fait à l'enfance, alors qu'on s'imagine vouloir devenir toutes les choses du monde. Et ça s'effrite un peu avec le temps, alors qu'on devient un peu plus réaliste, qu'on voit qu'on ne sera pas tous sous les projecteurs. Qu'on sera probablement une personne comme les autres, que l'écran en est plus un de télé que de cinéma. Une personne comme les autres, mais aussi unique, qui aura une influence sur certains. On l'espère, du moins. Ne pas avoir l'impression que la vie aura été indifférente face à nous.

Faire en sorte que la projection prenne forme. Appuyer sur le bon bouton au bon moment pour que la bobine se déroule comme prévu. C'est bien de rêver. C'est même essentiel si on veut pas éternellement être prisonnier de la routine. De la routine qu'on endure pour les congés, pour les fins de semaines. Si on ne veut pas être trop heureux de sa vie à temps partiel. Comme si on en avait plusieurs à vivre, qu'on pouvait se reprendre éternellement. Agir avant que ça frappe trop fort.



Faire du mieux qu'on peut pour que l'image que l'on projette soit la même que ce qui se cache à l'intérieur. Tenter d'être une bonne personne, ou du moins, pas une mauvaise. Qu'on soit connu, reconnu ou simplement là. Que nos connaissances se comptent par centaines ou sur les doigts de la main. Qu'on soit admiré ou qu'on admire. Accomplir quelque chose, ses rêves, ou quelque chose qui s'en approche. Pas se contenter du strict minimum en attendant mieux. Un mieux qui n'arrivera jamais si on fait rien, si on se contente de ce que la vie met sur notre chemin sans changer de voie de temps en temps.

Pour qu'au moment que la projection se termine, certaines personnes se rappellent en bien du film de notre vie. Même si les projecteurs se seront jamais tournés vers nous.

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