23.2.12

LES JEUNES

Ah, les jeunes. Tellement pleins d'espoir, de rêves impossibles et de naïveté. Ils croient qu'ils pourront refaire le monde, le former à leur image et en faire une place utopique. Ils partent des mouvements, des grèves et d'autres trucs du genre. Comme si ça allait changer quoi que ce soit.

Et comme si à l'opposé, l'immobilisme était une option préférable.

On peut être pour leurs causes, aux jeunes, ou on peut être contre. On peut trouver qu'ils crient fort pour rien, qu'ils savent pas de quoi ils parlent. Ce qui est plus difficile à justifier par contre, c'est de s'opposer à ce qu'ils s'expriment, point. Si ça passe par des grèves ou des manifestations, à moins que tu sois un dictateur dans l'âme, tu devrais pas affirmer qu'ils font juste perdre leur temps. Et ça, même si c'est fort possible que le résultat final soit seulement un énorme rien et quelques mois de perdus.

Pourquoi? Parce qu'on devrait pas s'opposer à ce que les gens prennent position et s'affirment. En venir à un point où on préfère que les gens ne s'engagent plus dans une forme de révolte contre le système établi, c'est un peu dire qu'on devrait arrêter de se battre. Qu'on devrait accepter les choses comme elles sont. Une société en santé, c'en est une qui ose s'affirmer, qui ose aller contre ce en quoi elle ne croit pas. Les grandes révolutions se sont pas formées en regardant des émissions de scrapbooking.



Comme c'qu'on a présentement au Québec avec les jeunes qui se mobilisent contre la hausse des frais de scolarité. Est-ce qu'on doit être absolument en accord avec tous leurs points? Non. Est-ce que ça donne le droit de prendre des arguments de merde pour s'y opposer? Non plus. Le plus populaire, c'est celui du fait que les jeunes s'opposent aux hausses tout en ayant un train de vie totalement déjanté, alors qu'ils auraient tous des MacBook, des autos de l'année, des condos en or et qu'ils se payeraient des voyages dans le Sud. C'est de la bullshit. First, c'est loin d'être tous les jeunes qui se payent ça. Secondo, c'est juste une manière facile de se monter contre le mouvement en disant qu'évidemment, les jeunes sont tous des cons. 

Et de toute façon, même si les jeunes consomment, alors que notre belle société les encourage à le faire, ça change rien au fait qu'ils peuvent manifester leur mécontentement. C'est pas parce que t'as un beau manteau que tu dois nécessairement accepter la bouche grande ouverte tout ce que le gouvernement te fait bouffer de force. Surtout quand tu sais que c'est corrompu à l'os et qu'une grosse partie de l'argent qu'on lui envoie se perd en chemin. Parenthèse fermée.

Bref, c'est pas parce que toi t'es rendu un vieux blasé de la vie qui a perdu tout espoir d'avoir des convictions sociales que tu dois dire aux autres d'accepter le système auquel tu t'es plié. Que ce soit pour les frais scolaires ou le système de santé, quand on commence à se plaindre du fait qu'une partie de nos concitoyens sont pas en plein accord avec le système dans lequel on vit, on atteint pas mal le point maximal de l'individualisme. Quand ça te dérange profondément d'arriver quinze minutes en retard parce qu'il y a une manifestation où les gens s'expriment contre ce qu'ils voient comme des injustices, y'est peut-être temps que tu reconsidères tes priorités dans la vie. Ou que tu déménages en pleine Amazonie.

Ah, et en passant, le fait d'être vieux ou jeune, ça a peu à faire avec l'âge.

Un petite peu d'humanité et d'altruisme, ça fait pas de mal à personne.

16.2.12

ORBITZ

Si vous vous souvenez de ça, vous avez probablement un âge qui est à plus ou moins quatre ans du mien. On revient à nos premiers amours de produits de consommation géniaux. Comme le ketchup mauve l'a été. 

Faut retourner en 1997, année charnière dans l'histoire de l'humanité. Visuellement un beau chiffre en plus. Ça coule comme du vin dans la bouche d'un alcoolique. L'Orbitz donc est arrivé cette année-là. D'après ma mémoire, c'est à peu près en même temps que l'Orbite, le manège, est arrivé à La Ronde. Pour ceux qui savent pas c'est quoi La Ronde, c'est le parc d'attraction à Montréal. Arrive en ville. Et tout le monde tripait sur Apollo 13 et Armageddon, les films. Période faste pour les voyages dans l'espace et les noms y étant reliés, donc. Notre produit en question, l'Orbitz, c'était un breuvage révolutionnaire. Qui coûtait probablement un prix exorbitzant pour sa qualité. Har har har. De non-couleur transparente dans une bouteille en vitre, le liquide était au goût de diverses combinaisons de fruits. Combinaisons beaucoup trop complexes genre kiwi fraise carambole steak piment couscous printemps honnêteté fragilité esprit marxisme. Et au final très ordinaires comme saveurs, mais l'intérêt n'était pas là. Oh non. L'intérêt, c'était les petites boules flottantes. D'où le nom du produit. Les billes de gélatine qui flottaient dans le liquide et qu'on pouvait manger en le buvant. De la magie embouteillée. Pour les petits gens de mon âge, ce l'était, du moins. On nous vendait l'espace, comme si ça flottait en apesanteur, comme si on était tous des Marc Garneau. Dans le temps qu'il était astronaute, pas député fédéral pour les libéraux. Les temps changent.


L'Orbitz, j'ai fortement tripé là-dessus cet été-là. Et probablement même pendant l'hiver, mais moins, parce que tu vas pas au dépanneur du coin quand il fait -25 degrés pour déguster tranquillement ta boisson trop sucrée. Tu fais ça l'été quand tu peux te promener dehors et montrer aux gens que t'es cool malgré tes neuf ans parce qu'y'a des boules de couleur dans ta bouteille. On peut donc le voir dans toute sa splendeur sur l'image stratégiquement placée au-dessus de ce paragraphe. Multiplicité de couleurs. Logo funky. Ça rappelle même les lampes lava, qui connaissaient un regain de popularité dans ces années-là.

Puis, évidemment, vint le constat. Probablement à l'été 1998. Ou 1999. Alors que l'Orbitz était rendu rien de plus qu'on bon souvenir dans ma mémoire qui en avait pas encore tant que ça, je me cherchais quelque chose à boire dans un dépanneur. Et quelle ne fut pas ma surprise alors qu'au fond d'un réfrigérateur, je vis un Orbitz. Aux billes jaunes si je me rappelle bien. Le problème, c'est qu'avec le temps, lesdites billes avaient perdu leur effet de flottaison, et gisaient tout simplement au fond de la bouteille.

La magie avait disparu. Et le choc était tel que c'était un peu comme si mon idole de vie s'était avérée être complètement décevante en la rencontrant. L'Orbitz, ce produit duquel j'avais un si bon souvenir, était maintenant réduit à une vieille bouteille passée date au fond d'une tablette de dépanneur. Et malgré toutes les évocations du passé, j'ai préféré la laisser là, pour ne pas perdre le peu de moments mémorables qui m'en restait. Un peu comme lorsqu'on préfère laisser les dessins animés de notre enfance dans notre mémoire pour ne pas être amèrement déçu de leur qualité.

Un constat d'échec. En rétrospective, c'est peut-être l'un des moments phares de mon acceptation de la chute possible de la société de consommation. Un peu comme le ketchup mauve qui tentait de nous vendre l'avenir. À nous, les enfants, les jeunes. Mais quand tu tentes de trop en faire pour être cool, parfois, ça t'explose dans le visage. 

Ou bien ça se ramasse en tas dans le fond.



11.2.12

LES PROJECTEURS

Un mot qu'on utilise rarement. Presque seulement lorsqu'on dit de quelqu'un qu'il est en dessous d'eux. Comme sur une scène ou au cinéma. Pour dire que c'est son moment de gloire. Ou son moment de déchéance. La majorité en rêve secrètement, de s'y retrouver, pour mettre un peu de piquant dans leur vie, pour vivre comme une star un instant. Un rêve presque inatteignable qui se termine la plupart du temps en déception. Le rêve d'être une personne connue, sans savoir pourquoi on le serait. La célébrité pour la célébrité, comme si c'était un gage de bonheur et d'une belle vie.

La projection comme au cinéma. Le travail du projectionniste. Projeter un film sur un écran géant, la vie de personnages racontée en deux heures. À partir d'une bobine de film ou d'un support numérique. Les images qui défilent les unes après les autres, les sons qui résonnent dans la salle. Tous ces gens assis dans ces bancs en pente, certains mangeant du pop corn, d'autres tentant de s'approcher subtilement de la personne assise à leurs côtés. Vivre quelque chose de marquant, collectivement, pendant deux heures.

Se projeter sur la grande toile de sa vie. Partir d'un petit rien pour se voir plus grand, plus loin. On le fait à l'enfance, alors qu'on s'imagine vouloir devenir toutes les choses du monde. Et ça s'effrite un peu avec le temps, alors qu'on devient un peu plus réaliste, qu'on voit qu'on ne sera pas tous sous les projecteurs. Qu'on sera probablement une personne comme les autres, que l'écran en est plus un de télé que de cinéma. Une personne comme les autres, mais aussi unique, qui aura une influence sur certains. On l'espère, du moins. Ne pas avoir l'impression que la vie aura été indifférente face à nous.

Faire en sorte que la projection prenne forme. Appuyer sur le bon bouton au bon moment pour que la bobine se déroule comme prévu. C'est bien de rêver. C'est même essentiel si on veut pas éternellement être prisonnier de la routine. De la routine qu'on endure pour les congés, pour les fins de semaines. Si on ne veut pas être trop heureux de sa vie à temps partiel. Comme si on en avait plusieurs à vivre, qu'on pouvait se reprendre éternellement. Agir avant que ça frappe trop fort.



Faire du mieux qu'on peut pour que l'image que l'on projette soit la même que ce qui se cache à l'intérieur. Tenter d'être une bonne personne, ou du moins, pas une mauvaise. Qu'on soit connu, reconnu ou simplement là. Que nos connaissances se comptent par centaines ou sur les doigts de la main. Qu'on soit admiré ou qu'on admire. Accomplir quelque chose, ses rêves, ou quelque chose qui s'en approche. Pas se contenter du strict minimum en attendant mieux. Un mieux qui n'arrivera jamais si on fait rien, si on se contente de ce que la vie met sur notre chemin sans changer de voie de temps en temps.

Pour qu'au moment que la projection se termine, certaines personnes se rappellent en bien du film de notre vie. Même si les projecteurs se seront jamais tournés vers nous.

5.2.12

LES ATTACHES DE PAIN

Ces fameuses attaches en plastique. Elles sont généralement de couleurs voyantes, comme le bleu, le rose, le mauve ou même le blanc, qui est pas une couleur. Y'a une belle petite date dessus qui indique quand ton pain cessera d'être optimal à la consommation. Que ses qualités moelleuses se transformeront en sécheresse et que de nouvelles couleurs viendront se manifester dans son intérieur. En cas de perte de ladite attache, on peut toujours utiliser la technique du roule le lousse du sac qui fera une bonne job aussi.

Parce que ça lui arrive souvent à l'attache de se perdre. Au début, on la remet tout le temps sur le sac et on est bien content qu'elle soit là. Sa présence nous rassure de la fraîcheur du produit céréalier qu'elle renferme. On regardera rarement la date dessus par contre. À l'achat, parfois, pour voir si on aura assez de temps pour le consommer, mais par la suite, on ira surtout au feeling. Et puis éventuellement, à force d'ouvrir et de fermer le sac, l'attache disparaît. On sait pas trop où ni pourquoi. Ça va arriver qu'on la retrouve dans le fond d'un tiroir ou d'une armoire, sous le grille-pain, sur le plancher, dans le pot de Nutella.

Sauf qu'entre temps, on l'oublie. Elle était là, elle y est plus. So what? Ça changera rien à la fraîcheur pour le moment. On tient pour acquis que le pain va être bon. Pis un moment donné, il l'est plus. Pas à cause de l'attache. Pas directement, en tout cas. C'est pas un morceau de plastique qui fait toute la différence entre un bon pain et un mauvais. Le temps y est pour beaucoup. Parce qu'avec le temps, ça se dégrade. Pis tu le jettes aux poubelles parce que t'as pu envie de lui. Son pouvoir d'attraction a disparu. T'aurais pu le manger plus vite, ou en manger plus, mais non, à la place, il a dépéri.


En même temps, l'attache, à un autre niveau, même si ça assure pas qu'il va rester frais, ton pain, ça aide inévitablement. C'est une espèce de catalyseur d'espoirs. Ça ferme le contenant, c'est ce qui garde le produit d'influences externes nocives. Un petit truc qui te réconforte, qui te fait sentir comme si ça devrait bien aller, comme si ça allait durer entre vous deux.

Puis l'attachement à ton attache s'en va. Quand tu l'aimes plus. Quand ta relation avec elle s'effrite. Tu réalises que finalement, t'en as vraiment pas besoin, que ton histoire était temporaire. C'est juste une attache parmi tant d'autres, dans le fond. Tu t'en détaches, tu l'abandonnes et tu passes à un autre pain après une semaine. Et éventuellement, tu la retrouves cachée dans un recoin. Tu la prends, tu te demandes de quel pain ça vient, ça fait combien de temps que vous vous êtes séparés. Et un peu avec indifférence tu la mets dans le recyclage. Même si t'es pas certain que ça se recycle, c'est moins méchant que la mettre aux poubelles. Et elle pourra avoir une belle relation avec d'autres, éventuellement, sous une autre forme. Et toi, tu passes à une autre. Sans regarder derrière. Ou presque.

1.2.12

LE CALME

Quand y'a pas beaucoup de bruit. Ou même quand il en a plein, mais qu'on est dans notre zone. Le calme, se sentir smooth. Souvent un synonyme que ça va bien, parce qu'on s'entend que quand ça va mal, c'est probablement relié à un stress quelconque. Tu peux pas mal aller et te sentir intérieurement calme. Ça va pas ensemble. Sauf si tu bois pour oublier ton existence. Là, ton problème atteint un autre niveau et tu devrais aller consulter.

Prendre le temps de vivre. S'écraser la face dans son oreiller et écouter de la musique tranquille. Ça fait du bien, ça fait passer le temps et ça vide l'esprit. Si tu te concentres à te concentrer sur rien. Ça créer un paradoxe pis ça te fait aller mieux. Respirer un peu. Même si c'est l'air pas clean de la ville. Qui est quand même moins pire que d'autres. Désolé pour le lecteur qui habite à Mexico City, t'es pas mal dans le top. Qué pasa.

Le calme intérieur, donc. Se sentir apaisé. Dans le genre que tu peux te dire que ta vie va bien, quand même. Que tu peux penser à d'autres moments en te disant que c'était clairement pas aussi génial. Comme la fois que tu t'es retrouvé à quêter au centre-ville parce que ta maison avait brûlé le jour que t'as perdu ta job. C'est jamais arrivé, arrête de vivre dans un monde imaginaire. Surtout un monde comme ça, tu veux pas rêver à ça, quand même. Parce que la vie, quand ça va bien, faut en profiter. Si on se met à stresser même quand tout va pour le mieux, on s'en sortira pas. Ça demande un minimum d'introspection par contre. Faut le réaliser que ça va bien et qu'on peut prendre un peu de temps pour soi. Ne rien faire et sourire, même juste une minute, ça peut améliorer tes vingt-quatre prochaines heures. Du yoga pour ceux qui en font pas. Ou qui en font, mais pas là.


Le Soleil et des vagues. Smooth.

Y'a aussi le calme extérieur, qui même si pas nécessaire pour l'intérieur, aide. Ce fameux bruit sourd qu'on entend quand y'a plus rien. Le genre de réconfort du silence total, de l'impression d'être dans une bulle, seul au monde. Difficile d'y arriver, parce qu'on est toujours en action. Et on le manque souvent parce que notre tête s'active quand même à penser, donc le moment passe sans qu'on s'en rende compte. Dommage. Le calme qui nous entoure, qui nous fait réaliser qu'on a le temps. 

On a beau se répéter sans cesse que la vie est courte, on a pas besoin pour autant de courir constamment. Profiter de la vie, c'est pas seulement une question d'en faire le plus possible. Et même pas juste de bien le faire. On peut avoir des moments de détente pour pas cher. Sans spas ou autres places à la mode. Même s'ils font probablement très bien la job, c'est pas obligatoire pour relaxer un moment. Couvertes. Un livre. Un thé. Magie.

Prendre le temps de le perdre un peu. Vaquer à peu d'occupations. Écouter son souffle. Regarder l'autre dans les yeux. Longuement. En ne faisant rien.