4.12.12

LE PIRE

On peut toujours trouver pire que le pire. Y'a pas de limites à l'horreur, à la déchéance et au pathétique. On a tous à un moment ou à un autre pris l'exemple des petits enfants en Afrique pour dire qu'on devrait pas se plaindre. Eux autres y mangent même pas! C'est vrai, y mangent pas. Ou pas beaucoup. C'est triste, c'est déplorable et on devrait, en tant que personne vivant sur la planète, tenter de faire quelque chose pour améliorer leur sort. De l'activisme social. Et par ça, on parle pas d'un Like sur Facebook.

Mais ça fait pas pour autant qu'on a pas le droit de se plaindre. Pour certaines choses, oui c'est vrai qu'on peut souvent sonner comme des enfants gâtés qui ont juste des problèmes dignes du premier monde. Comme dire qu'hier on se sentait plein après avoir mangé juste une assiette au buffet à volonté. On s'entend que personne va nous plaindre à ce moment-là. Autrement, disons qu'on mentionne qu'on aimerait ça se payer un beau souper pour Noël, mais qu'on a pas l'argent pour. Et qu'un quelqu'un vient nous dire qu'au moins, nous, on pourra avoir un souper ce soir-là. Pas comme l'itinérant qui traîne au centre-ville de Montréal.

Donc si on suit le courant de ce type de logique, en théorie, y'a seulement une personne sur Terre qui pourrait se plaindre. Parce que dans le fond, l'itinérant, au moins, il peut manger de temps en temps, pas comme le petit gars éthiopien. Mais le petit gars éthiopien, ben en moyenne, les gens de son pays sont environ trois ou quatre fois plus riches que celles au Congo. Donc il se plaint pour rien, vu qui en a d'autres qui sont vraiment pires que lui. Et on pourrait continuer comme ça longtemps, jusqu'à ce qu'on trouve la personne qui peut le moins manger au monde à Noël. Qui pourrait finalement dire qui a vraiment rien de pire qu'elle. 

Chanceuse.



Ça veut pas dire qui faut pas relativiser notre situation. Oui, on l'a facile pour la plupart d'entre nous en comparaison à d'autres. Oui, il faut être contents de ce qu'on a, d'être nés là où on est. Il faut en profiter au maximum et toujours garder en tête que certains sont réellement dans des situations pires que nous, pour qu'au moins notre confort soit apprécié à sa juste valeur.

Mais ça veut pas dire que ça nous enlève le droit de se plaindre, d'espérer mieux. On vient d'un monde qui l'a plus facile, mais on est pas parfaits pour autant. Nos problèmes nous semblent gros parfois, parce que c'est tout ce qu'on connait. On peut pas savoir c'est quoi vivre dans la famine, la guerre et la corruption. Donc c'est gros pour nous dans notre contexte. C'est pas sain de passer son temps à reprocher aux autres de pas l'avoir si pire, qu'ils se plaignent la bouche pleine de buffets. Parce que le charbon de l'un est le diamant de l'autre, de façon assez aléatoire.

Faut juste faire la part des choses. Aspirer à mieux tout en étant conscient que pire existe.

9.11.12

LE TEMPS

Ça passe vite le temps. Plus vite que tout le reste, qui passe toujours à cause du temps. Ou bien le temps passe à cause des choses, l'un ou l'autre. On fait nos choses, des choses, tout plein de choses, et ensuite on regarde ce qu'on a fait, et on réalise que le temps a passé don ben vite.

Pourtant, si y'a bien quelque chose de constant, c'est le temps. La seule emprise qu'on a sur lui, c'est de le faire passer plus ou moins vite en s'occupant. En s'occupant de nous, des autres. En essayant d'en faire le maximum en peu de temps, pour que nos souvenirs soient remplis d'évènements. Pour qu'hier semble lointain tellement on en a fait, au lieu de se rappeler que l'an passé, à même date, on faisait la même chose. La routine trop constante, ça casse le temps. Si quelqu'un après un an te demande Quoi de neuf? et que tout ce que tu trouves à lui répondre c'est Bof, les chances sont fortes que la routine soit un peu trop omniprésente. Ou bien que la mémoire soit pas ta force.



Le temps, c'est traître parfois, mais ça peut aussi aider. Ça aide à ce qu'on soit pas obsédés toute notre vie avec des choses anodines. Si on vivait toujours le même moment présent, on s'en sortirait pas, parce que tout serait parfaitement frais à notre mémoire, donc on oublierait rien. Ça nous empêcherait d'avancer et d'être nostalgiques à la fois. Parce qu'on aurait une aussi bonne mémoire des mauvais côtés que des bons, considérant que tout serait toujours là. 

Et non, c'est pas qu'il faut tout oublier du passé, mais de fortement s'accrocher amène rien de bon à notre personne. Si le temps était pas là pour nous faire oublier à quatre-vingt-dix-neuf pour cent et demi du temps que Milli Vanilli a déjà existé, on déprimerait. C'est un peu comme tamiser du sable pour trouver de l'or, le temps. On essaie d'évacuer la grande majorité des grains indésirables pour seulement garder le meilleur. Parfois avec des résultats décevants, surtout si on a déménagé au Yukon pour ça dans le processus, mais là, on tombe dans autre chose.

En plus, ce qui est frustrant du temps, c'est que ça existe et pas à la fois. Ça se touche pas, ça se voit pas. Ça se ressent d'une manière, puisqu'on voit les choses changer, mais on en voit seulement les effets, pas la source. On peut pas retourner ou avancer dans le temps, on a aucun contrôle sur lui. On sait à peine comment ça fonctionne. Tout ce qu'on peut voir, c'est que les choses se transforment, vieillissent, évoluent et disparaissent. 

On peut essayer de gagner du temps, ou d'en perdre un peu de temps en temps, mais y'aura toujours autant de minutes dans une heure, une journée et une année. Le truc c'est pas de s'efforcer à gagner le maximum de temps possible, mais de bien utiliser celui qu'on a.

Dans le fond, le temps, c'est comme le vent. Ça nous pousse dans le dos et ça s'en va on sait pas trop où.

19.7.12

LES LASERS

Les lasers, c'est un peu de la magie. Ça peut tout faire, du show de lumières aux millions d'utilités en médecine en passant par les sabres, c'est quelque chose qu'on se sert partout, mais qui reste très abstrait pour le commun des mortels. C'est un peu comme de la lumière tellement concentrée que ça devient dangereux. Et bizarrement utile.

Ou inutile. Parce que c'est tellement spécial que ça se vend vraiment facilement. Quelque part dans les années 1990, du temps du jeune temps, pour une raison encore inexpliquée, la démographique des jeunes garçons a trippé fort sur les pointeurs lasers. Le petit point rouge qui servait auparavant à quelques profs en avance sur leur temps était passé dans les mains des jeunes qui s'amusaient à l'utiliser partout et à brûler des rétines. Y'avait différents embouts aussi, donc on pouvait projeter des dessins pas clairs sur les murs et s'en tanner après quatorze secondes d'utilisation.

C'était un jouet dangereux. Pas directement, à moins d'avoir une propension à avaler des morceaux de métal, mais plutôt parce qu'un point comme ça dans l'oeil pour pas trop long, c'est pas nécessairement la chose la plus bénéfique du monde. On se disait toujours qu'il fallait pas faire ça, alors on le faisait. Pour une seconde, juste pour le thrill d'avoir un gros point rouge directement dans le fond du globe oculaire.

Et comme tout le reste, on s'en est tanné un moment donné. Les dépanneurs ont arrêté d'en mettre sur le comptoir directement dans notre face, et puis on est passé à autre chose. Ça devait être quelque part entre une certaine date et l'arrivée/la fin des Tamagochis. Un jouet de plus qui se ramassait dans notre boîte à souvenirs ou dans les vidanges. Certains s'en souviendront comme quelque chose de génial. D'autres comme une perte de temps. Ça en aura marqué plusieurs, dans une certaine tranche d'âge, à un certain moment.



Et maintenant, on en entend plus vraiment parler. Peut-être parce que c'est exclusivement pour les jeunes et qu'on a vieilli, peut-être parce que c'était une mode comme les Pogo balls. On a laissé ça derrière nous, et on s'en porte pas plus mal. Si c'est pas un laser, ça sera autre chose, une autre place, une autre personne, d'autres gens. Les saisons passent, les habitudes changent, nos perceptions se métamorphosent. Ce qui était bien ne l'est plus, ou l'est encore plus. La chose qui nous fascinait hier nous laisse totalement de glace aujourd'hui, ou au contraire nous obsède au point qu'on ne veut plus la laisse partir.

Tout ça, c'est inexplicable. En tout cas, ce l'est pas facilement. Personne peut vraiment expliquer pourquoi on se sent d'une manière ou d'une autre, concrètement. On va chercher des raisons à gauche et à droite, et on trouvera des pistes, mais la raison particulière nous restera presque toujours inconnue, probablement parce qu'elle existe pas.

La vie, c'est pas juste rouge, bleu ou vert.

C'est pour ça que le sentiment de lassitude ou d'enthousiasme, c'est aussi immatériel et captivant qu'un laser. 

Surtout pour un chat, le laser.

27.6.12

LES COULEURS

Y'a vraiment plein de couleurs. Rapidement comme ça, on pourrait nommer le rouge, le bleu, le vert, le jaune, le mauve, l'orange, le brun, le gris, le turquoise, le fuchsia, le lilas, le violet, le cyan, le magenta, le pourpre, le rose, l'argent, l'or, le bronze, le bel effort pour la participation.

Y'a des couleurs qui sont juste ça, des couleurs. Et t'as celles qui sont nommées en l'honneur de quelque chose qui était cette couleur-là avant qu'on décide que c'était ça. Comme la couleur crème ou l'émeraude. Qui vont, soit dit en passant, pas très bien ensemble, pour ceux qui voudraient redécorer leur salon ou la cuisine.

Y'a plein de couleurs. Quasiment une quantité infinie. Du plus grand contraste à la plus fine nuance. Des couleurs que l'on voit tous les jours, comme le bleu du ciel, qui nous semble parfois plus éclatant qu'il l'est vraiment, ou plus gris, dépendant de notre humeur. Le vert de l'été, de la nature qui vit, du gazon bien taillé devant les maisons. Le jaune, le rouge de l'automne, des feuilles qui tombent, qu'on dit souvent être le plus beau moment de l'année, ironiquement, alors que tout meurt. Le rouge passion, le rouge de l'amour, le rouge du sang. L'intensité du moment. La couleur du désir, de l'action, de la provocation. 

Et puis on a les couleurs qui existent pas vraiment souvent dans la nature, comme le mauve. Un beau mélange de rouge et de bleu, de l'eau et du feu. Une couleur qui attire l'oeil, qui s'étend maladroitement sur des frites. Qui se manifeste dans les teintes du ciel quand le soleil se couche, dans quelques fleurs, dans certains oiseaux. 



Le noir et le blanc, l'absence, ou l'amalgame de couleurs. Le tout et le rien. Voir en noir et blanc. Voir le bien et le mal. Être avec nous ou contre nous. Oublier que le gris existe, sans devoir nécessairement avoir à devenir un beige sans saveur.

Rêver en couleur. Se faire reprocher de le faire, de voir trop grand, trop beau. Comme si rêver en noir et blanc était mieux. Plutôt opter pour ajouter son pigment à un monde qui en manque parfois, à un monde qui semble à certains moments se forcer à croire que le noir et blanc est définitivement une meilleure option que la couleur, à la manière d'un grand nostalgique. 

Vouloir mettre du bleu là où il n'y a que du rouge. Ou l'inverse. Agrandir son spectre visuel. Passer des couleurs primaires à une palette complète. Peindre sa vie de petits arbres joyeux là où il n'y a rien. S'efforcer de vouloir créer un monde à notre image, avec les couleurs qu'on aura choisies.

Les couleurs, c'est pas seulement une question d'agencer son coussin avec son divan. C'est aussi d'essayer de se créer des aurores boréales, des couchers de soleil inoubliables, des tableaux abstraits qui vont sembler inaccessibles à première vue, mais qui s'armeront de sens au fur et à mesure du temps, alors qu'on prendra le temps de les observer, et d'y ajouter les couleurs qui nous conviendront, qui nous parleront.

Pour que l'abstrait prenne forme. Dans notre tête, du moins.


6.6.12

LES CHOCOLATS DE PÂQUES

Dans la vie, y'a deux types de chocolat de Pâques. Y'a ceux qui sont vides, et ceux qui sont pleins. On a tous nos préférences, ça se discute autour d'un feu de camp quand tous les sujets ont été épuisés, ou bien dans la salle d'attente chez le médecin avec une dame âgée qui en a entendu parler dans son programme préféré.

Les plus populaires sont les vides. Pas parce que c'est nécessairement meilleur, au contraire. Leur avantage unique réside dans la facilité du croquant. On a pas besoin de mordre fort pour qu'un morceau casse du reste. C'est sympathique, facile de consommation, et ça coûte pas cher. C'est un investissement mineur qui satisfait pas mal tout le monde. On peut en acheter pour toute la famille, pour les amis, pour la blonde, le chum, la belle famille, le facteur, James Dean. Repose en paix mon grand.

Sinon, y'a les pleins. Y'en a moins dans les magasins en général, parce que ça se vend moins. Parce que ça coûte plus cher. Y'a du contenu. Ça te bourre rapidement, donc tu prends plus ton temps pour le manger. Tu te gaves pas la face comme avec le vide pour se retrouver avec absolument rien deux heures plus tard. Et pleurer en boule dans le coin de ta chambre parce que t'as pu rien vu que t'as pas pris le temps d'en profiter.

Prendre le temps de déguster le chocolat. Petit morceau par petit morceau. S'en faire de la fondue s'il faut. Il est bien bien beau ton lapin vide, mais y'est vide. Et une coquille vide, ben on veut pas de ça. En tout cas, on en veut pas longtemps. Ça se casse beaucoup trop rapidement. C'est du plaisir instantané, mais pas marquant. Et si par hasard il s'avère l'être, marquant, ben ça prendra pas long que ça sera juste un souvenir, parce que t'en auras pu.



Investir dans un chocolat plein. Si tu penses que ton kid est heureux avec son chocolat en forme de casque d'Iron Man, regarde-lui bien la face quand il va peser son gros écureuil plein. Gros yeux. Visage heureux. Parce qu'il va savoir que y'en a pas mal plus du chocolat, là-dedans.

Oh, c'est certain que côté apports nutritifs, ça fait considérablement plus mal, un chocolat plein. C'est vrai que ton corps doit pas mal plus en processer. Tu vas probablement ramasser quelques calories en trop sur le chemin, tu vas être écoeuré par bouts, tu vas vouloir le pitcher au bout de tes bras, le mettre dans les vidanges, le laisser fondre au soleil sur un bout de table. Mais c'est ça, la nature de la vie. Soit on en a un peu qu'on termine rapidement pour passer à autre chose, soit on en a beaucoup et on en profite tranquillement en se disant que rien ne presse.

Le plaisir du permanent ou du temporaire. Bien vrai, tu construiras concrètement rien avec ton lapin plein de chocolat. Tu vas juste plus consommer de chocolat. Platement, oui, c'est un fait. 

Mais que ce soit du chocolat ou, disons, de l'amour, la plénitude est toujours ben mieux qu'un faible emballage de sucre cheap qui va te casser dans les mains dans le temps de le dire.

L'investissement, ça rapporte.

27.5.12

RIEN NE CHANGERA NOTRE MONDE

Ça fait longtemps qu'on est là. Dans une forme plutôt humaine, ça fait des centaines de milliers d'années qu'on existe. Qu'on fait toujours la même chose. Qu'on part des guerres, qu'on s'aime, qu'on s'aime pas. Qu'on aime pas l'autre parce qu'il est différent, parce qu'il veut pas la même chose que nous. C'est la roue qui tourne et retourne tout le temps dans le même sens.

Oh, oui, on a évolué. On accepte plus les gens, on accepte mieux la différence. On a une qualité de vie meilleure, pour une petite partie de la planète. On vit dans le luxe, dans le beau. On a ce qu'on veut, quand on le veut, au détriment des autres. En fait, on est une belle partie de la population qui se pense supérieure aux autres, consciemment ou non. On donne aux petits enfants en Afrique, on donne pour qu'ils aient une qualité de vie un peu supérieure. Et on achète nos chandails Made In China. On encourage le quasi-esclavage d'un bord et on donne de l'autre pour avoir bonne conscience. On recycle nos emballages de plastique et on roule au pétrole. On accepte la présence de compagnies qui fuckent solide la planète en polluant à elles seules comme des centaines de milliers d'entre nous.

Mais on s'en sacre. Parce que rien va changer notre monde. Fondamentalement. L'humain est rapace. L'humain veut le pouvoir. On aime son prochain tant qu'il nous fait pas trop chier, tant qu'il se met pas dans le chemin de nos grandes aspirations de vie. On vie en société, mais seulement pour soi. Notre monde ne changera pas parce qu'on veut pas changer notre petit monde personnel.

C'est triste tout ça. On se donne des airs d'hommes et de femmes modernes. On est tellement mieux que ce qui se faisait avant. On accepte des petits changements pas insignifiants en tant que tels, mais insignifiants dans la grande sphère de l'humanité. Ouin mais là tu ratisses large. Ben oui, des problèmes humanitaires. C'est gros, beaucoup trop gros pour qu'on change ça en un an, mais c'est tellement important. Tellement.

On laisse des humains se faire exploiter pour que notre monde soit plus confortable pour certains. Des humains. Des gens qui ont aussi juste une vie à vivre, qui vont travailler dans une usine de marde toute leur vie. Qui auront rien de bon. D'autres qu'on laissera crever de famine dans des zones arides parce qu'ils rapporteraient pas assez même s'ils étaient en santé. Qu'on regarde crever et qu'on s'en fout, parce qu'on en a vu toute notre vie. On considère indirectement certains humains comme étant moins importants. Indéniablement. Par nos actions.


L'indifférence qui tue. Des images de l'international. Quinze secondes. Fini. On passe à autre chose. C'est trop loin, ça nous intéresse pas. Avant on le savait pas, donc ça nous faisait rien. Maintenant on le sait, ça nous intéresse un peu, mais ultimement, on fait pas rien de plus. On participe pas moins à l'exploitation.

On se fait croire qu'on change beaucoup de choses. Et oui, c'est vrai, y'a des progrès, mais franchement. On le sait tous qu'on fait juste exploiter d'autres pays, et ça fait bien notre affaire, parce qu'on paye moins cher. Des partisans silencieux d'une forme d'esclavage.

Et malgré tout, on peut espérer que ça changera. Il faut espérer. Sinon, il reste plus rien, et notre côté sombre aura gagné. Et il faut pas le laisser gagner lui, parce qu'on doit toujours viser mieux, viser quelque chose qui arrivera peut-être jamais, mais qu'on se sera au moins un peu battu pour avoir.

Jamais abandonner même si ça sert ultimement pas à grand-chose. Par principe.

23.5.12

LE CONGÉLATEUR

Y'a quelques années de ça, un jour, il y avait un gros congélateur. Une version un peu moins vieille de moi, comme à son habitude, avait décidé d'y entrer sa tête pour chercher quelque chose au fond. Et l'envie vint soudainement de prendre une grande respiration. Une respiration teintée du grand froid qui y résidait. Une respiration qui réveille profondément notre système, alors que l'air glacé s'infiltre dans tous les pores de notre peau et qu'elle rafraîchit instantanément à sa manière.

L'objet de ma recherche m'échappe. C'était probablement un repas congelé perdu, ou une vieille boîte dont on avait oublié l'existence depuis quelques années, mais ça importe peu. Ce que j'y retrouvai, c'était une odeur de nostalgie. Une odeur imperceptible, un sentiment de froid particulier, qui émane seulement des congélateurs imposants. Une odeur de souvenir, du temps de ma jeune jeunesse, où j'allais aux quelques jours perdre mon temps dans le dépanneur du coin par de chaudes journées d'été. Pour ouvrir la porte coulissante des congélateurs à friandises glacées et plonger ma tête pour en sortir un Mr Freeze. Bleu ou blanc, de préférence. Le dépanneur près du parc New Heaven, qui ne portait pas vraiment ce nom-là, et qu'on nommait mal de toute façon, car la rue qui longeait le parc, c'était New Haven. Celui sur Sainte-Foy, près du gros lave-auto jaune. En plus, eux, souvent, ils avaient des pop-sicles Cyclone qui fondaient dans la bouche, mais qui étaient relativement plus chers qu'un bâton de glace, donc on se le gardait pour les événements-pas-si-spéciaux quelques fois durant l'été. Y'avait aussi celui directement en face du gros lave-auto jaune, mais lui, on l'aimait moins. Il était pas beau.

L'enfance, l'été, le parc, le temps perdu, l'innocence. Tout ça te revient en plein visage, du même coup. Ça te fouette, ça te rend nostalgique. Ça te fait manquer ces moments où tu découvrais le monde, où trois coins de rue, c'était l'autre bout de la planète. Où les limites de ton univers physique, c'était le gros boulevard, pas la Terre entière. Vouloir tout apprendre à nouveau, réapprendre comme si on ne savait rien. Retourner dans le temps où l'odeur du froid d'un congélateur, c'était l'embryon d'un moment de plaisir en devenir.




La force de la mémoire. Sans même qu'elle soit visuelle ou auditive. Des dizaines et des dizaines de souvenirs qui résident dans l'odeur du vide, dans une sensation particulière. Se laisser bercer dans ce qu'on se rappelle de son passé et s'en inspirer pour forger son avenir, pour qu'un jour on puisse penser à ce qui est notre moment présent avec nostalgie.

Essayer de se bâtir une histoire pour ne jamais oublier qu'on a vécu, qu'on a eu de beaux moments et qu'on en aura encore.

Il passera des congélateurs tout au long de notre vie. Il suffit seulement de se mettre la tête dedans au bon moment pour ne pas les oublier, pour ne pas considérer des évènements complètements anodins comme étant seulement anodins.

La vie, au fond, c'est rien de plus qu'une suite d'anecdotes qui forment un grand tout cohérent aux moments opportuns.

12.5.12

LE GRAND FRÈRE ATTARDÉ

Personne ici est visé en particulier. Si vous avez un grand frère et que vous trouvez qu'il souffre d'une déficience quelconque, c'est votre droit. Et là, on parle pas d'un déficient intellectuel. Ça, c'est pas un attardé, c'est une personne atteinte d'une déficience. Y'a un monde de différence entre les deux. Un déficient, il a rien fait pour, ou bien la vie s'est arrangée pour qu'il le soit. Un attardé, c'est pas nécessairement volontaire à cent pour cent, mais y'a une grosse contribution de l'individu dans son statut. Il est attardé parce que c'est sa personnalité de l'être. La distinction est là, si vous la comprenez pas, relisez.

Le grand frère attardé, donc. Le concept de l'aîné qui est pas un exemple à suivre. Et ça, dans le monde des fruits, l'orange en serait l'exemple parfait. En rapport avec la clémentine. Vrai, c'est pas directement son grand frère, mais les deux sont dans la famille des agrumes, donc le lien est relativement proche. Et visuellement, on s'entend, ça pourrait être des frères. C'est rond, orange, ça a une pelure rugueuse. Des frères de jus. Ou des soeurs, vu que les deux sont féminines. Quand on parle de genre, pas visuellement. Parce qu'elles peuvent pas mal inspirer les deux, de ce côté-là. Des formes rondes, c'est universel.

Alors comment est-ce que l'orange se retrouve à être attardée? Parce qu'elle est une version inférieure de la clémentine, malgré sa grosseur supérieure. Justement, sa grosseur. Trop gros. Ça se transporte mal dans à peu près n'importe quoi qui est pas un sac de voyage. Pas efficace. Aussi, une maudite orange, ça se mange mal. Et le coefficient de facilement mangeable, dans un fruit, c'est un facteur non négligeable. La clémentine, tu pèles, tu sépares facilement, et tu manges ça comme tu veux. Tu te la fourres dans la bouche d'un coup, tu enlèves la petite membrane transparente pour manger l'intérieur, tu la manges dans une salade, dans du pain pita. Comme tu veux.  L'orange, elle, premièrement, à moins d'avoir des outils spécialisés, lire ici le petit bâton en plastique jaune avec un bout recourbé avec lequel tu vas quand même te battre comme un fou juste pour l'ouvrir, ça s'ingère pas bien. La pelure s'arrache en petits morceaux, ça te jute dans la face, ça s'écrase de partout. Et là, une fois que t'as réussis, y'a de la genre de peau blanche sur les trois quarts de ton orange. T'essayes de l'enlever, mais ça marche pas, parce que c'est collé. T'essayes de séparer les morceaux, mais ça non plus c'est pas facile, pas comme avec une petite clémentine toute sympathique. Donc tu finis par juste te dire Fuck it et tu la manges tout croche comme tu peux. Pis t'es sale une fois terminé.


L'orange, on devrait juste consommer ça sous forme de jus. Parce qu'on a une forme adaptée à la consommation quotidienne dans la clémentine qui, on se le cachera pas, goûte à peu près la même chose. L'orange est pas un exemple, c'est pas quelque chose que la clémentine devrait aspirer à devenir, même si elle est moins populaire. La popularité, ça fait pas la qualité.

Comme ton grand frère. Ou toute autre forme de grand frère. C'est pas parce que tout le monde s'exalte devant lui qu'il est nécessairement mieux. Pas parce qu'il est plus attirant de l'extérieur à première vu qu'il est plus intéressant quand tu lui arraches la peau. 

Métaphoriquement parlant. On s'entend.

2.5.12

LES CONTES DE FÉES

Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. Et puis plus rien. Le conte est terminé, on ferme le livre, on sort la cassette du lecteur VHS. On va souper, on va s'amuser au parc, ou bien chez un ami. On est jeune, on y croit, on se dit que la vie, ça fonctionne comme ça. Les gens s'aiment, les gens se sont fidèles, ils vont combattre vents et marées pour s'aimer d'un amour pur, pour toujours. Que c'est donc beau, la vie, quand on est jeune.

On se fait vendre du rêve, et on y croit comme si c'était la réalité, comme si c'était ça qui allait nous arriver. On rencontre quelqu'un, on y croit. On se voit vieux avec nos enfants et notre petit château. Et puis finalement, ça se brise, ça s'effrite. L'amour qu'on croyait éternel disparaît. On ne comprend pas trop pourquoi. Pourtant, dans le conte, lui, le prince charmant, son amour, on nous disait qu'il allait durer pour toujours, qu'il serait éternel. On nous avait promis qu'on allait vivre heureux, qu'on allait atteindre la fin joyeuse.

Donc on ressaye encore, croyant que bon, au moins, si c'est juste ça, on aura quelques petits contes de fées à la fin de notre vie. Puis on réalise que non, non, c'est pas le cas. Les gens trompent leur conjoint ou conjointe, vont voir à gauche et à droite, ne veulent pas de relation, savent pas où se positionner. Et puis on se fait chier à travers ça, si on croit toujours aux maudits contes de fées, en se disant qu'on devrait pouvoir s'en sortir indemne si on a encore une vision assez simpliste du monde des relations. Que si y'a nous, y'en a d'autres, non?

Et puis on se fait prendre dedans, directement. Bam. On se dit que ça se peut pas, que pourtant, on voyait encore ça comme des contes de fées. Qu'on y croyait fermement, en essayant d'encourager les autres en leur disant qu'ils trouveraient leur princesse ou leur prince. Que Disney, ben, il avait peut-être pas toujours tort. Mais non, on voit bien qu'autour de nous, c'est pas comme notre vision enfantine du monde que ça fonctionne. On essaie d'être comme ça, on essaie de garder une vision utopique de l'amour, et ça plante. Devant nous, dans nous. On fait quelque chose qu'on se surprend avoir fait, on se dit qu'on aurait jamais fait ça, nous, voyons. Et on le fait, ou on en est victime. Comme si Aladdin était allé voir une autre fille que Jasmine, comme s'il avait promis de la marier pour finalement aller voir ailleurs. 



La bulle t'explose directement dans la face, parce que tu réalises à ce moment-là que le temps de regarder des mondes parfaits défiler devant toi sur une télévision, ben, c'est terminé. La vraie vie, avec tous ses défauts, embarque. Et tu tentes comme tu le peux de t'y adapter, de pas juger les gens parce qu'ils sont pris là-dedans. Parce qu'eux aussi, dans le fond, probablement, tout ce qu'ils veulent, c'est trouver l'âme soeur qu'on leur a vendue quand ils étaient jeunes. C'est juste que la vie, dans tout ce qu'elle a de moins beau à nous offrir, en a décidé autrement au fil du temps. Elle a décidé que de résumer le reste d'une vie en une phrase, c'était pas possible. Que la cassette devait malheureusement continuer à tourner, et que ce qui suivait était pas toujours parfait. Qu'on devrait subir des moments moins magiques à travers tout ça.

Essayer de garder en vie un genre de romantisme quand la vie le veut vraiment pas. Quand elle veut nous prouver qu'on fait juste perdre notre temps. Qu'on devrait juste se dire fuck that et abandonner notre vision trop idéaliste. Parce qu'on essaie trop de viser la perfection. Une perfection qui existe pas.

Par chance, on est toujours quelques cons à vouloir y croire. Même si, tranquillement, ça s'effrite en nous, parce que notre petit coeur tente tant bien que mal de survivre aux embûches que la vie met sur son chemin. Et qu'on tente d'y trouver du bon, malgré tout. Pour sauver le peu de beauté utopiste qu'il en reste.

29.4.12

LES CHOIX

La vie est faite de choix. Le destin, cette chose abstraite que l'on croit suivre, n'est que question de choix, de ce que l'on fait, et de ce que l'on ne fait pas. Certains seront des évidences, alors que d'autres seront plus difficiles. Assez pour qu'on en doute parfois toute notre vie. Savoir ce qu'on aurait été si on avait fait un choix différent.

On a les choix du quotidien. Les petits choix. Savoir ce qu'on mangera pour souper, si on ira magasiner ou non. Savoir ce qu'on regardera comme film. Toutes de petites choses qui, à priori, ne changeront à peu près rien dans notre vie. Et qui n'y changeront probablement rien aussi. C'est seulement de vivre, de ne pas rester immobile dans son salon à regarder la peinture déjà sèche sécher. Souvent des choix faits inconsciemment. Sur l'impulsion, parce qu'ils n'activent rien en nous, pas de cloche pour nous dire qu'on devrait y penser plus longuement.

Et il y a évidemment les choix plus grands, comme ceux d'une carrière, du potentiel de passer sa vie auprès de quelqu'un. D'acheter la maison de ses rêves ou bien d'attendre. De partir travailler à l'étranger ou de rester ici pour ne pas perdre les choses qu'on a acquises tout au long des choix que l'on a faits. La difficulté de choisir, de se dire que cette voie sera la bonne, et pas l'autre. On l'espère. On en doute tout le temps, dès qu'une embûche se présente, dès qu'on le remet en doute. Parce que rien n'est certain. La plupart des choix que l'on fera seront un peu aléatoires, seront en lien avec notre sentiment du moment. Un après-midi peut être très différent du soir qui le suivra, et un choix existentiel pourra tout autant l'être. 

C'est dans des moments comme ceux-ci que les petits choix s'imbriquent dans les plus grands, qu'ils prennent leur importance. Un film qui nous fera voir la vie différemment, temporairement du moins, pourra avoir une conséquence immense si un grand choix s'impose quelques heures après son visionnement. Parce que notre personne sera changée à ce moment, parce qu'on sera heureux ou triste, parce qu'on pensera à notre avenir différemment, qu'on se dira vouloir vivre autre chose, au lieu de ce qui nous est offert. De la même manière qu'un problème anodin avec une personne pourra avoir des répercussions sur nos relations avec une autre, même si rien ne les lie directement.



Le choix d'attendre, d'espérer mieux pour soi. Le désespoir que mieux n'arrivera pas, qu'on a raté notre chance, qu'on a fait le mauvais choix, au mauvais moment. Le regret immuable qui nous suivra toute notre vie. On se dira que ce qui est fait, est fait. Et c'est vrai, on ne peut rien y changer, on ne peut qu'espérer mieux, mais c'est toujours une petite défaite que de réaliser qu'on aura perdu notre temps, ou qu'on ne l'aura pas assez bien utilisé. L'insatisfaction de réaliser que son passé n'est que ça. Qu'on est pas assez bien, qu'on a fait de grosses erreurs de parcours. Qu'on aurait dû agir au bon moment, au moment opportun. Mais qu'on a passé tout droit, parce qu'il y avait d'autres choix à faire, parce qu'on ne le sentait pas à ce moment.

Parce qu'on a une seule vie à vivre, notre temps est limité. La possibilité de choix est infinie, mais ceux qu'on fera sont quantifiés. On essaie toujours de faire le meilleur, de ne pas se tromper, mais ça reste quasiment aléatoire, tellement les possibilités sont multiples. C'est comme ça, on y peut rien. Et c'est là la grande tragédie, de savoir qu'il est possible qu'on fasse plus de mauvais choix que de bons, sans en être conscient. Qu'on aura une vie moins bien parce que les choix qu'on aura faits auront été les mauvais. Et on se le reprochera jusqu'à notre mort, même si on tente de bien le prendre, de philosopher sur le sujet.

La déception est toujours là. C'est grâce à elle qu'on carbure, qu'on tente de s'améliorer, qu'on essaie de faire de meilleurs choix. Comme si meilleurs choix il y avait vraiment. Comme si on savait comment notre vie se serait déroulée si on avait été à gauche plutôt qu'à droite. 

Si un sentiment qui ne durera que quelques instants peut faire la différence entre, par exemple, passer le reste de sa vie ou non avec une autre personne, l'accumulation d'années de choix ne peut pas simplement se résumer à un J'aurais vraiment dû

On ne peut pas savoir ce qui n'est pas. On ne peut que vivre avec ce qu'on a fait, et souvent s'en désoler, mais essayer, malgré tout, de faire le bon choix quand il passe.

Et il passera souvent.

Grosses déceptions. Ou petites victoires.

22.4.12

LES PAPILLONS

C'était y'a de ça de nombreuses années déjà, à l'Insectarium. De mon semi-jeune temps, j'étais allé voir la superbe exposition de papillons en liberté. Plein, plein de beaux papillons qui volent partout autour de nous, qui se posent sur une branche pour qu'on puisse les observer. Des espèces qu'on ne verra jamais de notre vivant, sauf peut-être épinglés dans un musée, derrière une petite vitre. Les papillons volaient, comme à leur habitude. Et puis tout d'un coup, dans l'aménagement de sol terreux gazonneux le long du chemin aménagé, gisait un papillon. Qui ne bougeait pas. Le presque jeune moi se demandait s'il était mort, ou s'il dormait. Ou bien au repos, car les papillons doivent bien se reposer parfois, non?

Pas tellement, non. Il était mort, mais je voulais pas y croire. Parce qu'on aime pas que les papillons meurent. Quand ils meurent, c'est la fin de quelque chose de magique, c'est la fin d'un moment de vie. Les papillons justifient l'engouement pour quelqu'un, pour quelque chose. C'est le plaisir intense du moment, de l’inattendu qu'on attend avec impatience. Quand les papillons meurent, c'est un peu la couleur de la vie qui s'éteint du même coup, c'est la beauté du dessin de leurs ailes qui redevient terre.

Quand les papillons meurent, quand ils quittent notre ventre, on fait comme le jeune moi à l'Insectarium, et on ne l'accepte pas automatiquement. Parce qu'on espère toujours qu'ils reviendront, que la magie de la vie activera sa baguette à miracles et fera que tout reviendra comme avant, que ce n'est qu'une mauvaise passe. Qu'on est pas déjà rendu au quotidien plate, à la routine tellement familière qu'on ne s'y plaît plus. Que la personne qu'on aimait, que nos rêves les plus fous sont rendus banals, qu'ils ne créent en nous plus rien d’excitant, plus de maux agréables.



Et puis c'est normal, après tout. Rien n'est éternel. Les papillons, aussi beaux soient-ils, finissent tous par s'éteindre. Leurs belles couleurs, leurs grandes ailes qui volent au gré du vent, leur apparence tellement unique, tout ça est voué à éventuellement retourner au point mort. C'est connu au moment où la petite chenille sortira de son cocon de confort pour s'envoler dans le ciel. C'est un voyage qu'elle amorce et duquel elle ne reviendra pas, parce que rien ne dure pour toujours. 

Pourtant, on se lance quand même dedans, ce voyage. Parce que c'est ça, vivre. On vit pour avoir des papillons dans le ventre, pour ce peut-être qui arrivera, ces expériences, ces moments pas encore vécus. On anticipe constamment l'avenir, on en profite pour un moment dans le présent, puis ça passe. Notre ventre finit par digérer le tout, un peu malgré nous, parce que la nature est faite ainsi. Même en voulant très très fort, on ne peut rien changer au fait que notre système fait son travail comme il le veut.

Mais bon, avec un peu de chance et de volonté, notre système, on peut heureusement s'arranger pour qu'il prenne son temps, pour qu'il laisse la chance aux papillons de voler un bon moment avant de décider que leur chemin doive s'arrêter.

Pour qu'on puisse profiter au maximum des couleurs qui nous sont offertes.

11.4.12

LE BONHEUR

On a tous des bonheurs différents. Y'a pas un grand bonheur qu'on puisse atteindre magiquement pour être éternellement heureux. Ça existe pas. En fait, ça existe pas vraiment le bonheur. Le bonheur qu'on veut atteindre, l'espèce de zone de confort ultime où on serait bien pour longtemps. C'est des illusions. On peut pas filer le parfait bonheur. Pour plusieurs raisons qui font pas mal de sens, pour dire.

Entre autres, parce que y'a rien côté émotions qui est si stable que ça. On aime en montagnes russes, on déteste de la même façon. On peut pas espérer rester sur une longue ligne de joie. Notre compagnon de vie, notre famille, on va plus l'aimer à certains moments que d'autres. Donc viser le bonheur dans cette optique-là, d'espérer de quoi de permanent, c'est un peu trop utopique. Parce que ça arrivera pas. Et que, même si ça arrivait, ça serait même pas désirable.

Non, parce que tout ce qui est trop permanent devient plate. Oui, l'été, c'est génial, mais si on avait pas des saisons plus froides pour nous rappeler comment c'est super, on aimerait pas autant ça. Faut quelque chose et son contraire pour nous le faire apprécier. L'opposition, c'est ce qui fait que les choses sont désirables, qu'on les veut, même si c'est seulement pour un instant. Parce que le bonheur est temporaire. Ça passe comme une étoile filante. Suffit de l'attraper au passage et d'en profiter avant que nos mains brûlent trop. De le prendre et de s'en inspirer, de s'en souvenir pour quand ça sera moins beau, quand la vie nous fera douter de sa beauté.

Parce qu'on va passer par de nombreux moments obscurs. Des passes creuses, des dépressions, des moments de grandes peines. On va se dire que ça sert à rien, que le bonheur reviendra pas, de toute façon. Tu pars en petite quête personnelle pour le retrouver. Tu le cherches à gauche, à droite, en dessous, par dessus. Tu le vois pas, parce qu'il est invisible. Tu rencontres d'autres gens qui le cherchent, eux aussi. Vous essayez ensemble de le trouver, et bizarrement, vous le trouvez l'un dans l'autre. Vous tentiez de le trouver ailleurs, alors qu'il était toujours là, seulement au repos. Fallait seulement le cadran d'une autre personne pour le réveiller. Pour qu'il arrête de peser sur snooze à répétition.



C'est simplement parce qu'on cherche quelque chose de tangible qu'on est jamais totalement heureux. Oh, oui, on va dire aux autres qu'on l'est, parce qu'on veut se le faire accroire, mais on a toujours un petit doute. Sur un point ou sur un autre. Y'a rien de parfait, et ça va comme ça. On bonheurise de notre mieux. Faut seulement s'arrêter pour s'en rendre compte un peu, réaliser qu'à un moment ou à un autre, on peut, au meilleur de nos connaissances, se juger heureux. Une bonne indication qu'on l'est, c'est si y'a pas un soupire qui suit directement le fait qu'on pense Ouais, j'pense que je suis heureux. Qu'on croit réellement avoir une parcelle du bonheur qui flotte dans l'air.

Parce que c'est souvent le chemin qui nous mènera vers le bonheur, vers nos buts qui nous rendra le plus heureux. C'est les rencontres, les découvertes, les apprentissages. On cherche cependant tellement tout le temps une finalité, qu'on en sort souvent amèrement déçu, en croyant qu'une fois de plus, le bonheur nous a échappé. Ou bien, pire, lorsqu'on s'en rend compte seulement une fois que c'est terminé, qu'on était heureux, parce qu'on l'a trop pris pour acquis. Le malheur total que de réaliser avoir passé à côté d'une opportunité en or. En espérant ne pas refaire la même faute la fois d'après.

En profiter pendant que ça passe, et le réaliser. Parce qu'en fin de compte, la vie, c'est seulement quelques vagues de bonheur dans un océan de déceptions.

5.4.12

L'APATHIE

L'apathie, c'est une maladie qui semble assez commune. Ça se guérit aussi, heureusement. Faut de la patience et un peu de volonté, mais c'est possible. En fait, l'apathie, ça semble toucher beaucoup de gens. Beaucoup, beaucoup de gens. Et pas juste des mauvaises personnes. Plusieurs sont adorables, gentilles, aimables. Dans des termes médicaux, l'apathie, c'est une incapacité à agir, de la mollesse. Être moelleux.

Et si on quitte le domaine médical, ça devient surtout un mou mental. Un je-m'en-sacre-totalement. On tombera pas dans les exemples, ça serait facile et réducteur. Disons juste que c'est une tranche de la société qui s'intéresse pas vraiment aux enjeux dits grands, qui comprend pas pourquoi ils devraient le faire, non plus. Parce que c'est long et plate.


Et les pires, c'est pas ceux qui se foutent de tout. Ça, jusqu'à un certain point, c'est normal. Pas tout le monde qui s'intéresse à tout, qui va vouloir changer le monde un dimanche soir ou un mercredi matin. Non, les pires, c'est ceux qui, activement, cherchent à ce que personne agisse. Qui se dégoûtent des actions des autres, qui trouvent qu'ils en font trop, qu'ils devraient renoncer à leurs convictions, peu importe ce qu'elles soient. Qui savent souvent aucunement de ce qu'ils parlent, mais que ça les affecte tellement trop dans leur intérieur de savoir que d'autres font quelque chose qu'ils vont s'acharner à les attaquer.


L'apathie, c'est accepter la vie, la vie humaine surtout, comme elle est. Et pas seulement ça, mais se battre pour qu'elle reste ainsi. Parce que le changement, les gens qui prennent position, c'est déstabilisant. Ça pète notre bulle de confort, ça fuck ce qu'on pensait. On veut pas que ça change notre petit monde. Parce que notre petit monde, c'est tout ce qui importe, pour l'apathique. Parce que moimoi, je veux pas que tu changes mon monde, moi. Moi. C'est même enrageant de voir comment des gens peuvent penser qu'à eux-mêmes. L'expérience de la vie, c'est pas que tu te rendes à la fin en ayant juste pensé à toi. C'est d'essayer que le collectif, que la communauté où tu vis, que le système qui te bouffe de par en dedans soit le meilleur possible. Pis c'est pas en se contentant de regarder Star Ac' que tout vas mieux aller. C'est pas en disant que c'est allé trop loin au moindre chamboulement de ta petite routine, de tes plans de carrière planifiés à la minute près que ça va arriver.

Pierre Jean Jacques a toujours une histoire personnelle très touchante pour expliquer pourquoi on devrait pas faire telle et telle chose. Et c'est vrai, ça va souvent être bien dommage, son histoire, à Pierre Jean Jacques. Sauf que si on s'arrêtait à chaque histoire de Pierre Jean Jacques, la grande majorité du peuple serait encore considérée comme des esclaves du style Grèce ou Égypte antique.

Tellement apathique qu'elle a même pas de bouche.

Parce que l'apathie engagée, si on peut l'appeler comme ça, ben ça cherche à s'opposer à l'action. C'est adorer être une personne moelleuse, une personne dans le gros gris pâle, et se battre pour rester là.  Jusqu'au moment que quelque chose ou quelqu'un nous débloque, si on a cette chance-là. Et là on s'active, on prend position d'un côté. On vire à l'envers des tables métaphoriques. Et parfois réelles.

Parce que la vie, c'est tellement plus que juste notre petite personne. C'est tellement plus grand, tellement plus important, tellement plus complexe. C'est facile de passer sa vie à se laisser marcher dessus. C'est facile de dire aux autres qu'ils devraient se la fermer parce que ça fonctionne pas dans notre petit cadre de vie personnel. C'est facile de bitcher sans jamais rien faire, sans débattre. L'égo apathique, c'est mortel, et ça t'empêche à long terme d'être une partie intégrale de la société dans laquelle tu vis.

Et si ça te dérange pas, si t'es confortable dans le fait de jamais te bouger pour aucune raison, si t'es du genre à abandonner en plein milieu parce que tout d'un coup, ton bonheur personnel est le moindrement brimé, ben j'te plains plus que quiconque, parce que tu vas rester un beau petit pion toute ta vie, et tu le sauras même pas.

Le ketchup mauve vient de momentanément changer de couleur.

1.4.12

L'AMITIÉ

C'est quand même un concept weird l'amitié. On se lie d'affection pour des gens avec qui on a aucun lien direct. Des gens qu'on choisit, qu'on se dit d'eux qu'ils vont être des gens avec qui on voudrait passer beaucoup de temps, avec qui on voudrait partager nos problèmes et nos joies. Des gens à qui on fait confiance, même s'ils ont aucune raison préalable de pas aller crier sur tous les toits ce qu'on leur dit. Une liaison strictement basée sur quelque chose d'intangible, sur un rapport mental entre deux personnes.

Parce que les amis, les vrais, c'est des bonnes personnes. Des personnes à qui, on sait pas trop pourquoi, mais à qui on peut se confier. À qui ont peut dire des trucs, et qui nous jugeront pas trop. Qui vont nous aider à nous en sortir, qui vont utiliser leurs expériences, leurs connaissances pour nous guider, ou nous aider à aller dans le bon chemin, du moins. Des gens qu'on va pouvoir retourner voir même quand la vie a décidé qu'elle nous séparera pour un moment. Des gens qui pourront faire la même chose avec nous, quand ils en auront besoin. C'est ressentir une connexion qui dépasse le stade du sang ou du nom de famille. C'est aimer quelqu'un pour ce qu'il est. C'est naturel de le faire, mais tellement particulier à la fois. Des gens des deux sexes, des gens avec qui on ne planifie pas fonder une famille, ni vraiment avoir de contacts si intimes. Pourtant, ils restent essentiels à notre bon fonctionnement interne. Comme Rémi qui se balade avec ses amis, qui sont devenus sa famille parce qu'il en a plus. C'est un substitut, ou au moins un ajout, à ce que la nature nous a légué naturellement comme liens humains.

On les écoutera pas toujours nos amis, c'est certain, parce qu'on a nos limites personnelles, nos choix à faire. D'abord essayer de s'écouter si on veut avancer, savoir en dedans c'qu'on veut fondamentalement, ça aide. Parce que se laisser guider aveuglément par les autres, ça apportera rien de bien la plupart du temps. Écouter, en prendre un peu, laisser ça mélanger en dedans. Ça arrivera aussi de trouver qu'ils disent n'importe quoi, qu'ils savent pas de quoi ils parlent, même si au fond, on sait qu'ils ont probablement au moins partiellement raison. Et qu'ils savent peut-être même mieux que nous, sur certains points, ce dont on a besoin.


Et aussi, on aimera pas toujours nos amis. Ça va briser avec certains au fil du temps, ça va devenir des relations à distance. Nos amis en seront plus. C'est le cycle de la vie. On s'en fera d'autres, on en retrouvera, peut-être, un jour. C'est toujours un choix, parfois un peu nostalgique, quand on retourne voir des amis ou de bonnes connaissances longuement perdues. On sait pas trop pourquoi on le fait, mais on le fait. Et par un petit miracle, ça arrivera que la chimie y soit encore. Comme si on s'était vus pour la dernière fois hier. Comme si on venait de retrouver un petit morceau de nous perdu depuis longtemps.

Parce que les amis, pour certaines personnes, pour certaines générations, c'est l'équivalent de la famille. Une famille qu'on a choisie. Une famille souvent dysfonctionnelle, qui se cherche, qui s'effrite, qui se reconstruit tout croche comme elle peut. C'est pas toujours facile, c'est pas toujours beau, c'est pas toujours clair, mais on s'en sort, parce que malgré tout, nos amis, ben, on tient à eux. Pis on les aime pas mal. Pas mal.

25.3.12

LA PORTÉE SYMBOLIQUE

Par exemple, Gandhi. Il a pas apporté la paix dans le monde. On se frappe encore dessus comme ça se peut pas, on a des guerres par dessus guerres. Des gens qui se font exploser pour une raison, et d'autres qui tuent pour des raisons tout aussi mauvaises. L'humain reste humain. Ça a pas changé hier, ça changera pas demain. Même Gandhi est mort assassiné. Celui qui prônait la paix et l'amour pour tous, peu importe la religion, l'ethnie ou le sexe, s'est fait tuer. Alors ça donne quoi de militer comme ça? Ça donne rien.

Non, c'est pas vrai. Si ça donnait rien, on parlerait pas de Gandhi. Personne l'aurait utilisé comme référence, on s'en inspirerait pas pour partir d'autres mouvements, pour mieux agir dans notre vie de tous les jours, consciemment ou pas. Parce que des gens comme lui, ça inspire à être une meilleure personne, à pas lâcher le morceau et à continuer de se battre pour ce qui est bien, même si de se battre veut seulement dire d'agir avec le Bien en tête. Des gens qui nous ont inspirés de tous temps, qui ont fait avancer l'humanité d'une manière ou d'une autre. Et souvent même en ne changeant concrètement rien, en ne sortant pas des dictateurs dans d'autres pays ou en ne faisant pas une Révolution française. Quoique la Révolution française reste assez efficace en terme d'images. En termes symboliques.

Le symbolique. Des symboles. Mot qui devient bizarrement écrit si on le fixe trop longtemps. Sym-bole. Cime bolle. Des objets ou des êtres qui représentent une idée abstraite. Genre la colombe qui est le symbole de la paix. Les colombes ont jamais fait la paix, mais dans notre imaginaire collectif, du moins dans notre coin d'Occident, c'est ce que ça représente. Et on le comprend, et on l'accepte. On peut aussi s'y opposer, en disant que la colombe est l'enfant de la guerre, mais l'idée risque de rester pas mal locale dans ta tête.


Un Gandhi, c'est un peu comme ça. Il projette l'image de la paix. La portée symbolique de ses gestes se répercute jusqu'à nos jours, donnant un peu d'espoir à ceux qui veulent en avoir. L'espoir que tout est pas noir dans notre belle humanité, que y'a encore quelque chose de bien qui nous attend peut-être, un jour. C'est le concept de ne pas se plier à l'inaction, à accepter tout simplement notre sort. C'est par des mouvements individuels, ou des mouvements collectifs, qu'on pourra avancer dans la bonne direction, qu'on pourra changer ce qui est à changer. C'est certain qu'on ne changera pas le monde en une journée, qu'on aura probablement l'air de gens avec des idées futiles dans le processus. Que les conformistes tenteront de nous décourager, de nous faire croire qu'il faut fonctionner dans le système uniquement.

Comme si les grandes avancées de l'humanité étaient arrivées en travaillant uniquement dans le cadre du donné. Que ce soit telle figure historique ou telle autre. Que ce soit un grand mouvement populaire ou une révolution. Il faut toujours repousser les limites du socialement acceptable pour que des choses se passent. 

Sinon, on ne fait que contribuer à faire tourner la roue. Et à se faire rouler dessus.

19.3.12

LA VIE

Ça commence par une idée, ou une soirée trop arrosée. Un quelque chose qui n'existe pas qui se formera tranquillement au chaud pendant neuf longs mois. Deux personnes décideront d'en amener une autre sur Terre. L'idée de partir d'un rien pour faire quelque chose, pour créer un être. Un être qui viendra au monde pendant de douloureux moments, qui seront suivis par ce que la plupart qualifient du plus beau moment de leur vie. La naissance d'un enfant, d'un petit nous, d'un petit eux. Amener dans ce monde une nouvelle personne.

Puis on doit s'en occuper, l'élever. Ça prend du temps, de la patience, et encore du temps. Faut qu'il apprenne à marcher, à parler, à interagir avec le monde autour de lui. À savoir ce qui est bien, ce qui est mal. Les premiers mots qui sortent de sa bouche, premiers sons qui ressemblent à quelque chose, à une expression concrète, qui peut être aussi simple qu'un maman, mais qui fera tout le bonheur du monde pour ceux qui l'entendront. La magie de voir que l'être qu'on a créé se forme, qu'il marche par lui-même, qu'il prend sa place, qu'il commence à dominer son environnement, petit à petit. Le concept de la vie reste encore vague, mais une petite lueur s'installe dans les yeux, quelque chose qui nous dit que ce n'est plus aussi vague, que le petit être commence à comprendre qu'il est.

Et ça vieillit, ça devient semi-autonome. Ça veut tout, ça veut rien. Ça pose des questions sans cesse, ça commence déjà à vouloir qu'on le laisse tranquille, même s'il pleure qu'il veut voir ses parents quand ils n'y sont pas. Ça court partout, ça énerve, c'est une grosse boule d'énergie infinie. Ça découvre les amis, la vie en dehors du nid familial. Ça tente de comprendre son environnement, ça commence déjà à poser des questions sur d'où on vient, où on va, sans vraiment avoir de réponses claires, sans vraiment comprendre de toute façon. Ça veut s'amuser dehors, ça s'invente des jeux avec un rien, ça a une imagination débordante qui n'a pour limite que l'heure où il faut entrer pour souper.

Puis on tombe dans la phase difficile de l'adolescence. Les nouveaux amis, les premières grosses déceptions qui paraîtront toutes petites plus tard. On se découvre, on découvre les autres. On a la plupart de nos premières grandes expériences existentielles, on expérimente avec tout, on trébuche tout le temps et on se relève. On change constamment de style, de goûts. On pense être ceci ou cela, ou les deux en même temps. On passe par notre crise d'adolescence, on déteste nos parents, malgré qu'on ait des regrets de le faire. On a l'impression que personne ne nous comprend, on commence à se demander à quoi sert la vie, pourquoi on devrait choisir d'en faire quelque chose. Et de toute façon, on sait pas vraiment c'qu'on veut en faire, où ça nous mènera.

Et on tombe dans le monde adulte, celui où on devrait être près d'être la personne qu'on sera. Mais on est pas prêt, pas encore. On cherche, on a un début de quelque chose, mais ça reste vague. On se case en amour, professionnellement, même si ça dure pas toujours longtemps. On va à gauche et à droite pour tester le marché, pour voir c'est quoi qui nous branche vraiment. Les grosses questions existentielles deviennent plus lourdes parce qu'on commence déjà à sentir le poids du temps qui pèse sur nous, les années commencent à s'envoler à un rythme incessant. On parle de notre enfance comme d'une époque lointaine, on comprend plus vraiment les références des plus jeunes, le langage change, nos expressions déjà sentent un peu la poussière. On est né à une époque lointaine, on est souvent appelé monsieur ou madame par ceux qui nous suivent. Les premiers cheveux blancs se montrent le bout des pointes, les lendemains de veille deviennent déjà moins évidents. On se sent jeune, mais le temps passe.

Puis on devient quelqu'un. Avec une carrière, des rêves de fonder une famille, d'avoir une place stable dans la société. On lâche beaucoup les débats de jeunes, les rêves d'une société différente, d'une société nouvelle. On se dit que ce qui importe est à plus petite échelle, que de toute façon, on pourra pas changer le monde. Donc on tente de changer le sien comme on peut, même si notre 9 à 5 domine notre existence. On essaye d'avoir des enfants avec la bonne personne, qu'on se dit peut-être être la bonne puisque le temps presse. On va passer une semaine dans le sud pour oublier la routine quotidienne. On sait plus vraiment c'est quoi le sens de la vie, jusqu'au moment où les enfants arrivent. Ils donnent un second souffle à notre existence. Ils justifient un peu plus le fait qu'on soit ici. Ils ramènent un peu d'espoir, de magie dans notre monde beaucoup trop terne. On redevient enfin un peu plus quelqu'un, quelque chose qu'on croyait perdu.

Et on arrive dans la dernière phase de vie dite active, avant de tomber à la retraite. Les enfants passent par les étapes qu'on a déjà franchies il y a un bout. On s'identifie plus vraiment à eux, à leurs problèmes qu'on a passés il y a longtemps déjà. Pourtant, on les aime plus que tout, puisqu'ils sont partie intégrante de notre existence, ils sont ce qu'on a de plus précieux. Les amours avec la tendre moitié seront peut-être encore les mêmes, ou bien on aura passé à autre chose. Rien n'étant vraiment permanent, ce qu'on se rend compte de plus en plus alors qu'on passe l'étape d'emmagasiner des années pour se mettre à compter à rebours. On veut tout réaliser avant qu'il soit trop tard, les rêves qu'on avait oubliés pour gérer le quotidien. Les voyages impossibles, les talents cachés qui le sont restés par faute de temps, les passions dormantes, les douleurs refoulées, les moments d'introspection disparus. Il faut planifier ce qu'on fera du reste de vie qu'on a devant nous, pour pas passer tout droit.

Puis vient la phase dite finale. Les enfants ont quitté la maison, ils en ont eu à leur tour. On regarde le passé avec tristesse, autant pour les beaux moments que pour les déceptions. On se demande si on a fait tout ce qu'on voulait, si on a été une bonne personne. On se demande ce qu'il y aura de l'autre côté, si autre côté il y a. Notre forme physique commence à nous lâcher, comme les amis, comme la famille de notre âge qui disparaissent tour à tour. Le mental n'est plus pareil non plus. L'acuité, la rapidité laisse place à une forme de sagesse. On ne peut qu'avoir de longs moments de réflexion sur notre existence. Notre existence qui a commencé il y a de ça bien longtemps. Notre existence qui a vu tous types de gens passer, qui a vécu mille et une expériences, qui a parfois été très longue, parfois beaucoup trop courte. Une existence digne de n'importe quel livre, de n'importe quel film, pour peu qu'on s'y intéresse. Une existence qui nous glissera lentement entre les doigts, qu'on trouvera avoir été tellement trop courte, alors que nos petits enfants deviendront adultes à leur tour, que nos enfants passeront eux aussi par de nouvelles crises. On tentera de les aider comme on peut, même si on reste tout autant subjugué par la grandeur de l'idée humaine, par tout cet incompris qu'on ne peut que tenter de comprendre et d'expliquer. On verra la vie continuer son cycle, comme elle le fait depuis toujours, comme elle le fera pour aussi longtemps qu'on voudra lui en laisser la chance. Le monde tournait avant nous, et continuera de le faire après notre passage. Un passage qui aura été marquant pour certains, un passage qui restera quelque part dans les archives, dans les souvenirs. Un passage qui nous manquera, qui était voué à n'être que temporaire, mais duquel on aura tenté de profiter au maximum, malgré ses limites. Ce qui n'avait été qu'un concept dans la tête de nos parents, au début, redeviendra concept dans la tête de ceux qui nous auront suivis.

Et ainsi va la vie.

12.3.12

UNE BONNE PERSONNE

Pas une tâche si facile à accomplir qu'être une bonne personne. Et même de définir c'est quoi. Pour certains, t'en seras une, pour d'autres pas. C'est impossible de gagner le combat unilatéralement. Y'aura toujours des gens pour te dire que t'es trop ci, trop ça. Et à partir de ça, tu vas changer un peu, graduellement, en espérant être le meilleur possible un jour, même si tu pourras toujours que tendre vers ladite perfection. Ça s'atteint pas. Party's over.

Les bonnes personnes, on les aime. On dit toujours qu'elles sont remarquables, que c'est don rafraîchissant de voir des gens comme ça, pour faire un peu changement. Bonnes sur certains points, moins sur d'autres, mais tout de même. Des gens qui ont de la compassion, qui t'écoutent, qui te jugent pas, qui sont là pour toi quand t'en a besoin. Des gens qui pensent à toi avant leur petite personne, qui vont dormir moins longtemps le soir si t'as besoin d'eux, qui vont venir te voir, qui vont t'aider quand tu sens que t'as personne, quand t'as l'impression que ta bulle de confort rétrécit.

T'es pas toujours bon, non plus. T'as beau vouloir l'être, des fois, t'as des mauvaises passes. Tu te perds, tu reviens, tu te perds encore. T'essayes de revenir, tant bien que mal. Tu t'accroches à quelque chose, n'importe quoi qui peut mieux te faire sentir. Pis tu vis avec ça pour un bout, en attendant que ça aille mieux pour de vrai, en attendant quelque chose qui t'es encore inconnu. Et qui risque de le rester pour un bout, si t'es pas chanceux. Ou qui va arriver dans quelques minutes, si la vie veut te donner un petit coup de main.



La bonne personne, aussi. Trouver l'autre, celle ou celui avec qui on voudra faire un petit bout de chemin. Pas facile à trouver, pas facile à garder. Même pas facile d'y croire, parfois, pour certains, à certains moments. Tu penses, tu y crois, tu y crois plus. Tu te dis que c'est de la merde, que ça arrivera pas, que tout le monde le veut, mais que personne le fait. Que tu peux pas trouver personne, parce que personne se parle, parce que personne se dit les vraies choses, ce qu'elles voudraient bien dire. Que les gens se disent pas ce qu'ils pensent des autres, donc que tout ce qui pourrait être est pas. Qu'on pourrait être heureux, mais que ça se passe pas.

Et malgré tout, parfois, ça se passe comme un petit miracle, et ça clique, et on recommence à y croire. Puisqu'il faut y croire, sinon on dérive longtemps vers nulle part.

Plus facile d'espérer être une bonne personne que la bonne personne. Pour le premier, on peut se forcer un peu, faire de quoi dans la bonne direction, essayer d'atteindre plus haut. Pour l'autre, ça arrivera quand ça arrivera. On peut pas faire grand-chose sauf continuer d'y croire. La vie décidera qui sont les plus chanceux.

Et puis, de toute façon, les bonnes personnes finissent toujours par se retrouver, d'une manière ou d'une autre.

8.3.12

LE PRINTEMPS

La saison après l'hiver, logiquement. Le moment où les feuilles remontent dans les arbres, où les oiseaux font leurs valises pour retourner dans le nord. C'est encore un peu froid, parfois les tempêtes de neige vont faire à leur tête et venir nous visiter une dernière fois au début d'avril, alors qu'on a déjà commencé à acheter nos vêtements légers. Court moment de négativisme qui revient, juste pour rappeler comment l'hiver est désagréable quand il le veut et qu'il lâche pas le morceau. Arrête de nous narguer comme ça, saison démentielle.

Le printemps, mot qui veut en dire peu en français. Pour la partie temps ça va, mais le prin, personnellement, j'en ai jamais entendu parler. Plus évocateur dans sa forme anglophone de spring, comme si la nature rebondissait finalement en revenant à la vie. Les bourgeons, les oiseaux qui chantent le matin, le gazon qui change de couleur on ne sait trop comment, l'eau qui reprend sa chaleur. La vie qui se fait sentir.


Sentir l'odeur du printemps. Pas nécessairement ce qui décongèle de l'hiver et qui est désagréable, mais bien cette odeur de renouveau, comme si justement, tout sortait de son cocon pour se découvrir, pour ramener nos sens à travailler. Le Soleil qui devient plus rayonnant, le ciel qui redevient bleu, les couleurs qui nous envahissent de tous les côtés, sous toutes les formes.


Les visages qui se découvrent, les formes qui redeviennent uniques à chaque personne une fois ce gros manteau d'hiver rangé dans le placard, les expressions crispées qui font place aux sourires. C'est la saison de l'anticipation du temps où il fera chaud, où on peut penser aux folies de la vie, aux voyages, à s'amuser, à relaxer. L'hiver pour certain est un synonyme de tout ça, mais les temps plus chauds sont naturellement plus propices au divertissement, au plaisir. On retrouve une légèreté dans le quotidien. Le poids de la vie semble moins lourd.




Le printemps de la vie, aussi. Quelque chose comme l'adolescence, où on se découvre, où les secrets de l'existence se révèlent à nous. On grandit, on apprend à connaître les autres, notre environnement, à savoir ce qu'on deviendra dans les saisons subséquentes. C'est pas toujours les moments les plus agréables. On marche encore dans la slush, y'a des journées plus froides, des journées où t'aurais préféré rester en dedans. T'as les nuages qui pleurent souvent un mélange de pluie et de glace. Tu sais pas trop quel manteau porter, si t'es mieux de garder tes bottes pour être mieux protégé ou changer aux souliers pour te sentir un peu plus libre. T'as une petite nostalgie de l'hiver du début de vie, mais en même temps, l'été semble tellement mieux, tellement plus inspirant.


Parce que l'été qui suit dans notre évolution, c'est la plus belle des saisons. C'est là que la nature est à son mieux, que la vie éclate de partout, qu'on veut vivre le plus possible. C'est aussi le moment qui semble le plus court en rétrospective, qui nous glisse entre les doigts, et ça, qu'on en profite ou pas. C'est vrai que les meilleurs moments durent jamais très très longtemps. Pas assez longtemps. Malheureusement.

1.3.12

MONOSUJETIQUE

Y'en a par milliers des gens comme ça. Tu leur parles, tout semble ben correct. Ils sont même pas mal intéressants dans ce qu'ils disent, souvent. Ou drôles, au moins. Et puis ça reste à ça. Ils reviennent toujours à la même chose, à dire les mêmes affaires tout le temps. Pis tu t'écoeures, parce que t'en viens à te demander si y'ont autre chose à dire. C'est comme écouter le même épisode d'une émission en boucle. À la longue, c'est pu aussi intéressant, voire que ça en devient emmerdant.

La monosujetie qu'on pourrait appeler ça. L'art d'avoir beaucoup de choses qui se ressemblent à dire sur un même sujet. Décliner ça en un million de variantes. Espérer toujours être intéressant. Le problème avec ça, c'est qu'on s'en tanne. Une personne qui ne parle que de sexe ou de jeux vidéos, un moment donné, t'en viens à te demander si elle en est consciente, qu'elle change jamais de sujet. Parce que la monosujetie, ça peut devenir comme une maladie. Pis c'est pas toujours curable.

Parce qu'un moment donné tu tombes dans un pattern. Genre du carrelage de cuisine datant des années 1970. T'as une audience, t'as du monde qui aime ça que tu sois un one trick poney donc tu réponds en restant ton personnage, en étant ce qui fait vendre ta personnalité. Parce que le monde aime ça, revoir toujours la même chose, voir les acteurs rejouer le même rôle, entendre les mêmes styles de chansons de leurs groupes préférés, album après album. Jusqu'à saturation complète, et à ce moment-là, on passe à autre chose. Et le groupe continue de jouer les mêmes chansons en espérant que les fans reviennent, sans succès. C'est la même chose, le même principe quand t'as juste un sujet de conversation, quand t'exposes juste une facette de ta personnalité.


Puisque oui, personne est monofacettique à ce point-là. Y'a personne qui fait seulement une chose dans la vie. C'est simplement une question de ne pas vouloir plus en dévoiler, de se cacher derrière quelque chose pour une raison ou une autre. Dans un contexte professionnel, c'est compréhensible. On veut pas mélanger sa vie personnelle à ce qu'on donne au public, mais dans la vie de tous les jours, avec nos amis par exemple, l'exercice est un peu plus difficile à justifier.

Parce que la beauté de la vie, c'est dans la complexité. L'intérêt que l'on porte aux gens naît du fait qu'on voit qu'ils sont en trois dimensions, qu'ils ont des forces, des faiblesses. Qu'ils connaissement et s'intéressent à plusieurs choses, qu'ils apprécient plus que ce que le premier regard nous donnerait à croire. Nous surprendre par la profondeur de la personne qui se cache derrière ce que l'on voit. Et surprendre, souvent, ça prend pas un miracle. La plus petite des choses peut être la plus magnifique aux yeux de quelqu'un.

On a été fait complexe. On peut ressentir des choses, créer par toutes nos pores, faire vivre des émotions. Faut s'en servir, c'est ça qui fait que l'humain est aussi fantastique.

23.2.12

LES JEUNES

Ah, les jeunes. Tellement pleins d'espoir, de rêves impossibles et de naïveté. Ils croient qu'ils pourront refaire le monde, le former à leur image et en faire une place utopique. Ils partent des mouvements, des grèves et d'autres trucs du genre. Comme si ça allait changer quoi que ce soit.

Et comme si à l'opposé, l'immobilisme était une option préférable.

On peut être pour leurs causes, aux jeunes, ou on peut être contre. On peut trouver qu'ils crient fort pour rien, qu'ils savent pas de quoi ils parlent. Ce qui est plus difficile à justifier par contre, c'est de s'opposer à ce qu'ils s'expriment, point. Si ça passe par des grèves ou des manifestations, à moins que tu sois un dictateur dans l'âme, tu devrais pas affirmer qu'ils font juste perdre leur temps. Et ça, même si c'est fort possible que le résultat final soit seulement un énorme rien et quelques mois de perdus.

Pourquoi? Parce qu'on devrait pas s'opposer à ce que les gens prennent position et s'affirment. En venir à un point où on préfère que les gens ne s'engagent plus dans une forme de révolte contre le système établi, c'est un peu dire qu'on devrait arrêter de se battre. Qu'on devrait accepter les choses comme elles sont. Une société en santé, c'en est une qui ose s'affirmer, qui ose aller contre ce en quoi elle ne croit pas. Les grandes révolutions se sont pas formées en regardant des émissions de scrapbooking.



Comme c'qu'on a présentement au Québec avec les jeunes qui se mobilisent contre la hausse des frais de scolarité. Est-ce qu'on doit être absolument en accord avec tous leurs points? Non. Est-ce que ça donne le droit de prendre des arguments de merde pour s'y opposer? Non plus. Le plus populaire, c'est celui du fait que les jeunes s'opposent aux hausses tout en ayant un train de vie totalement déjanté, alors qu'ils auraient tous des MacBook, des autos de l'année, des condos en or et qu'ils se payeraient des voyages dans le Sud. C'est de la bullshit. First, c'est loin d'être tous les jeunes qui se payent ça. Secondo, c'est juste une manière facile de se monter contre le mouvement en disant qu'évidemment, les jeunes sont tous des cons. 

Et de toute façon, même si les jeunes consomment, alors que notre belle société les encourage à le faire, ça change rien au fait qu'ils peuvent manifester leur mécontentement. C'est pas parce que t'as un beau manteau que tu dois nécessairement accepter la bouche grande ouverte tout ce que le gouvernement te fait bouffer de force. Surtout quand tu sais que c'est corrompu à l'os et qu'une grosse partie de l'argent qu'on lui envoie se perd en chemin. Parenthèse fermée.

Bref, c'est pas parce que toi t'es rendu un vieux blasé de la vie qui a perdu tout espoir d'avoir des convictions sociales que tu dois dire aux autres d'accepter le système auquel tu t'es plié. Que ce soit pour les frais scolaires ou le système de santé, quand on commence à se plaindre du fait qu'une partie de nos concitoyens sont pas en plein accord avec le système dans lequel on vit, on atteint pas mal le point maximal de l'individualisme. Quand ça te dérange profondément d'arriver quinze minutes en retard parce qu'il y a une manifestation où les gens s'expriment contre ce qu'ils voient comme des injustices, y'est peut-être temps que tu reconsidères tes priorités dans la vie. Ou que tu déménages en pleine Amazonie.

Ah, et en passant, le fait d'être vieux ou jeune, ça a peu à faire avec l'âge.

Un petite peu d'humanité et d'altruisme, ça fait pas de mal à personne.

16.2.12

ORBITZ

Si vous vous souvenez de ça, vous avez probablement un âge qui est à plus ou moins quatre ans du mien. On revient à nos premiers amours de produits de consommation géniaux. Comme le ketchup mauve l'a été. 

Faut retourner en 1997, année charnière dans l'histoire de l'humanité. Visuellement un beau chiffre en plus. Ça coule comme du vin dans la bouche d'un alcoolique. L'Orbitz donc est arrivé cette année-là. D'après ma mémoire, c'est à peu près en même temps que l'Orbite, le manège, est arrivé à La Ronde. Pour ceux qui savent pas c'est quoi La Ronde, c'est le parc d'attraction à Montréal. Arrive en ville. Et tout le monde tripait sur Apollo 13 et Armageddon, les films. Période faste pour les voyages dans l'espace et les noms y étant reliés, donc. Notre produit en question, l'Orbitz, c'était un breuvage révolutionnaire. Qui coûtait probablement un prix exorbitzant pour sa qualité. Har har har. De non-couleur transparente dans une bouteille en vitre, le liquide était au goût de diverses combinaisons de fruits. Combinaisons beaucoup trop complexes genre kiwi fraise carambole steak piment couscous printemps honnêteté fragilité esprit marxisme. Et au final très ordinaires comme saveurs, mais l'intérêt n'était pas là. Oh non. L'intérêt, c'était les petites boules flottantes. D'où le nom du produit. Les billes de gélatine qui flottaient dans le liquide et qu'on pouvait manger en le buvant. De la magie embouteillée. Pour les petits gens de mon âge, ce l'était, du moins. On nous vendait l'espace, comme si ça flottait en apesanteur, comme si on était tous des Marc Garneau. Dans le temps qu'il était astronaute, pas député fédéral pour les libéraux. Les temps changent.


L'Orbitz, j'ai fortement tripé là-dessus cet été-là. Et probablement même pendant l'hiver, mais moins, parce que tu vas pas au dépanneur du coin quand il fait -25 degrés pour déguster tranquillement ta boisson trop sucrée. Tu fais ça l'été quand tu peux te promener dehors et montrer aux gens que t'es cool malgré tes neuf ans parce qu'y'a des boules de couleur dans ta bouteille. On peut donc le voir dans toute sa splendeur sur l'image stratégiquement placée au-dessus de ce paragraphe. Multiplicité de couleurs. Logo funky. Ça rappelle même les lampes lava, qui connaissaient un regain de popularité dans ces années-là.

Puis, évidemment, vint le constat. Probablement à l'été 1998. Ou 1999. Alors que l'Orbitz était rendu rien de plus qu'on bon souvenir dans ma mémoire qui en avait pas encore tant que ça, je me cherchais quelque chose à boire dans un dépanneur. Et quelle ne fut pas ma surprise alors qu'au fond d'un réfrigérateur, je vis un Orbitz. Aux billes jaunes si je me rappelle bien. Le problème, c'est qu'avec le temps, lesdites billes avaient perdu leur effet de flottaison, et gisaient tout simplement au fond de la bouteille.

La magie avait disparu. Et le choc était tel que c'était un peu comme si mon idole de vie s'était avérée être complètement décevante en la rencontrant. L'Orbitz, ce produit duquel j'avais un si bon souvenir, était maintenant réduit à une vieille bouteille passée date au fond d'une tablette de dépanneur. Et malgré toutes les évocations du passé, j'ai préféré la laisser là, pour ne pas perdre le peu de moments mémorables qui m'en restait. Un peu comme lorsqu'on préfère laisser les dessins animés de notre enfance dans notre mémoire pour ne pas être amèrement déçu de leur qualité.

Un constat d'échec. En rétrospective, c'est peut-être l'un des moments phares de mon acceptation de la chute possible de la société de consommation. Un peu comme le ketchup mauve qui tentait de nous vendre l'avenir. À nous, les enfants, les jeunes. Mais quand tu tentes de trop en faire pour être cool, parfois, ça t'explose dans le visage. 

Ou bien ça se ramasse en tas dans le fond.



11.2.12

LES PROJECTEURS

Un mot qu'on utilise rarement. Presque seulement lorsqu'on dit de quelqu'un qu'il est en dessous d'eux. Comme sur une scène ou au cinéma. Pour dire que c'est son moment de gloire. Ou son moment de déchéance. La majorité en rêve secrètement, de s'y retrouver, pour mettre un peu de piquant dans leur vie, pour vivre comme une star un instant. Un rêve presque inatteignable qui se termine la plupart du temps en déception. Le rêve d'être une personne connue, sans savoir pourquoi on le serait. La célébrité pour la célébrité, comme si c'était un gage de bonheur et d'une belle vie.

La projection comme au cinéma. Le travail du projectionniste. Projeter un film sur un écran géant, la vie de personnages racontée en deux heures. À partir d'une bobine de film ou d'un support numérique. Les images qui défilent les unes après les autres, les sons qui résonnent dans la salle. Tous ces gens assis dans ces bancs en pente, certains mangeant du pop corn, d'autres tentant de s'approcher subtilement de la personne assise à leurs côtés. Vivre quelque chose de marquant, collectivement, pendant deux heures.

Se projeter sur la grande toile de sa vie. Partir d'un petit rien pour se voir plus grand, plus loin. On le fait à l'enfance, alors qu'on s'imagine vouloir devenir toutes les choses du monde. Et ça s'effrite un peu avec le temps, alors qu'on devient un peu plus réaliste, qu'on voit qu'on ne sera pas tous sous les projecteurs. Qu'on sera probablement une personne comme les autres, que l'écran en est plus un de télé que de cinéma. Une personne comme les autres, mais aussi unique, qui aura une influence sur certains. On l'espère, du moins. Ne pas avoir l'impression que la vie aura été indifférente face à nous.

Faire en sorte que la projection prenne forme. Appuyer sur le bon bouton au bon moment pour que la bobine se déroule comme prévu. C'est bien de rêver. C'est même essentiel si on veut pas éternellement être prisonnier de la routine. De la routine qu'on endure pour les congés, pour les fins de semaines. Si on ne veut pas être trop heureux de sa vie à temps partiel. Comme si on en avait plusieurs à vivre, qu'on pouvait se reprendre éternellement. Agir avant que ça frappe trop fort.



Faire du mieux qu'on peut pour que l'image que l'on projette soit la même que ce qui se cache à l'intérieur. Tenter d'être une bonne personne, ou du moins, pas une mauvaise. Qu'on soit connu, reconnu ou simplement là. Que nos connaissances se comptent par centaines ou sur les doigts de la main. Qu'on soit admiré ou qu'on admire. Accomplir quelque chose, ses rêves, ou quelque chose qui s'en approche. Pas se contenter du strict minimum en attendant mieux. Un mieux qui n'arrivera jamais si on fait rien, si on se contente de ce que la vie met sur notre chemin sans changer de voie de temps en temps.

Pour qu'au moment que la projection se termine, certaines personnes se rappellent en bien du film de notre vie. Même si les projecteurs se seront jamais tournés vers nous.