29.11.20

LE VIDE

Cette chose qu'on peut vivre n'importe quand, n'importe où, mais qui se manifeste souvent quand ça va pas.

Quand la vie te semble rough, quand tu sais pas trop c'que t'as fait de pas correct pour te rendre là, ni trop si et comment tu vas finir par te rendre quelque part. Quand tu sais pas trop qui t'es, quand la perspective d'être toi-même t'enchante pas tant que ça. Quand les jours semblent souvent très longs et que le prochain lever de Soleil t'indique rien de particulier. Quand tu regardes en-dedans et que presque tout ce que tu y trouves fait mal. Quand tu te questionnes constamment, tout le temps, mais sans jamais avoir de réponses. Quand tu te trouves lourd toi-même, quand t'as juste le goût de rester dans un coin de ton lit jusqu'à ce que ça passe. Quand tu mets ta poker face de gars qui va pas si pire, parce qu'étant une personne positive à la base, tu veux que ça feel pas si pire. Quand t'essaies de feeler de quoi en dedans, mais que ta tête et ton corps ont eu une rencontre secrète pour se mettre d'accord que ça arriveras pas. Quand t'as un vertige désagréable dans le cerveau quand tu veux essayer de te faire une idée sur quoi que ce soit. Quand y'a un trop plein de vide qui te donne juste le goût de tout laisser de côté, parce que tu sais pas quoi faire d'autre.

Pis des fois, ça marche bien pour un bout. Pis tu réussis à être ok, à te convaincre que c'est pas la fin du monde. Pis ça va mieux, réellement, pis ça fait du bien un moment.

Pis des fois, tu réalises à nouveau que t'as toujours été de même, pis que ça changera probablement jamais de façon permanente, pis que tu vas devoir apprendre à dealer avec toi-même et comment que t'es, parce que tu vas toujours finir par vivre des vides existentiels à intervals réguliers, et que des fois certains vont être plus fort que d'autres. Pis pour te consoler, tu te dis que tout le monde doit être comme ça.

Pis des fois, tu réalises que tu feel peut-être juste trop fort jusqu'à temps que tu feel pu rien.


10.1.20

LE GARS QUI BUVAIT DU CAFÉ DANS LES POUBELLES


Souvent si t'habites pas sur un rang en plein milieu de nulle part, ça risque de t'arriver de croiser des gens dans la rue, à moins que tu passes également tout ton temps dans ton véhicule motorisé. Là, tes contacts ont plus de chances de se limiter à une belle envoyade de promenure à d'autres conducteurs parce que tout le monde conduit mal sauf toi. C't'un fait. Le trafic, c'est les autres, jamais toi. T'es juste pogné dedans.

Donc si ça t'arrive d'utiliser tes pieds comme moyen de transport de temps en temps, du monde, tu vas en voir. Surtout si t'es dans une ville où le monde se promène aussi à pieds.  Sinon, tout ce que tu vas croiser, c'est ton ombre triste sur le bord du trottoir qui te demandes pourquoi tu perds ton temps à longer un boulevard qui part nulle part et qui termine dans une impasse. Comme ta vie.

Pis si tu marches dans un coin qu'on pourrait qualifier de plus populaire, pour être gentil, tu vas aussi croiser du monde qui ont moins d'argent que toi. Possiblement beaucoup moins, sauf si ton salaire toi aussi c'est la poignée de change de ton sac de canettes au Super C que t'as ramassé pendant sept heures le dimanche soir dans les sacs sur le bord de la rue parce que le recyclage passe le lundi matin. Souvent même ce monde-là va te demander de l'argent, ce à quoi tu vas répondre par une totale indifférence si t'as pas d'âme, ou un gros minimum Désolé accompagné d'un léger haussement d'épaules si t'as pas de change ou si tu feels un peu cheap. En même temps, tu peux pas donner à tout le monde, t'es pas Rockefeller.

Pis des fois ça va bien aller, tu vas passer une belle journée, tu vas te dire que ça va bien, pis que la vie est belle, pis que c'est ça qui est ça.

Pis là bang tu vois un gars fouiller dans les poubelles, comme t'en vois souvent pour ramasser, entre autres, lesdites canettes. Sauf pas lui. Lui, y ramasse un vieux verre de café. T'as même pas le temps de te demander pourquoi que tu le vois boire ce qu'il reste de breuvage ou de whatever dedans, et remettre le verre dans les poubelles après avoir consommé un estimé de trois gouttes de liquide.

Pis là vu que t'as quand même des émotions même si le reste du temps t'as le spectre émotif d'un robot, t'as comme un élan de pitié qui te passe dans face, même si t'as déjà dépassé le monsieur. Tu pourrais même pas le reconnaître dans un groupe de trois personnes tellement ça été vite, mais la scène frappe.

Parce que toi, même si t'es pas millionnaire, un café, tu y penses même pas quand t'en veux un. Tu vas voir monsieur ou madame Café pis tu t'achètes un café. That's it. T'as même jamais considéré de proche l'idée dans ta vie de chercher un fond de café dans une poubelle. Le concept même t'étais pas possible jusque-là. Au nombre de fois où t'as jeté ton fond de café parce qu'il était rendu moyennement tiède, d'en ramasser un qui traîne là depuis on sait pas combien de temps, pour boire un mélange de lait caillé et de vieux café, ça t’as jamais interpellé. C'est pas dans ta réalité. C'est autant possible pour toi que de penser à l'idée de te faire une chemise propre avec un vieux boutte de toile qui traine dans une ruelle.

Pis là tu te sens mal même si t'as rien fait, parce que tu réalises que t'es privilégié même si des fois tu trouves ça dont plate de devoir rentrer travailler le matin.


Au moins, toi, ton café chaque matin, il vient chaud des mains d'un commis, pas du fond d'une poubelle mélangé avec du jus de cigarette.


Pis ça te fait de quoi pendant quelques secondes, jusqu'à temps que le reste du monde te ramène à ta réalité où t'en a un peu rien à foutre parce qu'on est tous un peu comme ça.


Parce que dans l'fond, boire du café dans les poubelles, on s'en sacre tous un peu tant que c'est pas nous qui le fait.


16.4.19

LES CHOSES

Le temps passe, mais pas vraiment. Les jours passent, les années se suivent, les siècles s'enchaînent. Les heures passent, le stress nous guide, nous fait peur, nous fait croire que tout est important, que les minutes compteront, que nos minutes sont limitées.

Les gens changent, mais pas vraiment. Le passé est troublant, le futur est inquiétant. La société évolue, les barèmes s’adaptent tranquillement, les valeurs se redéfinissent, ce qui était acceptable ne l’est plus. Ce qui sera inacceptable ne l’est pas encore.

Le monde change, mais pas vraiment. Les animaux restent des animaux, qu’on soit dans le passé, le présent, ou le futur. Les arbres sont des arbres, qu’on soit dans le passé, le présent, ou le futur.

On veut se faire croire que notre réalité est unique, que nos angoisses sont uniques à notre époque, à ce qu’on vit, au moment présent. Que notre expérience humaine est totalement ancrée dans une année, dans un siècle. Que la technologie, que les relations, que les superflus externes sont définitivement, irrévocablement la raison du pourquoi les choses sont ainsi.

Notre monde change, mais pas vraiment. On s’adapte, on s’améliore. On se tolère mieux, ou on se le faire croire de manière plus efficace. On se dit des choses pour se faire croire qu’on est spécial, même si tout le monde est spécial, depuis toujours.

On pense être mieux, être plus évolués, plus ceci et plus cela, mais on le sera toujours moins que ceux qui nous suivront, et toujours plus que ceux qui étaient avant. Les années qui passent, qui se ressemblent, qui s’opposent, qui se confrontent, qui s’accumulent sans qu’on s’en rende compte. Les gens du passé qui étaient comme nous, et qui ne sont plus, et qui pourtant nous ressemblent tellement sur le fond.

La forme, la forme change. Les relations sont différentes, se présentent sous une forme, sous une autre, ou une autre qu’on ne peut même pas encore imaginer.

Les relations sont différentes, mais pas vraiment. On cherche la même chose, que ce soit dans des siècles passés ou à venir. L’emballage change, mais l’intérieur reste le même. La façon de l’aborder, de le trouver, de le vivre, de le maintenir, change. Les gens restent plus longtemps, moins longtemps ensemble. Les gens s’aiment à deux, seuls, à plusieurs. Les gens ne s’aiment plus et s’adorent. Les gens vivent des choses extraordinaires, troublantes, horriblement ordinaires, qui sont fondamentalement les mêmes depuis des lunes, et qui resteront les mêmes, malgré tout ce qu’on peut se dire, ou se laisser dire.

L’humain s’adapte à son environnement, ou fait en sorte que son environnement s’adapte à lui. Son environnement change, le change, le fait être d’une manière ou d’une autre. Le pousse à aller dans une direction ou une autre. À devenir quelque chose, quelqu’un. Son environnement forme ce qu’il sera dans son environnement, ou dans les environnements où il ira, mais ne le changera pas. Pas vraiment.

L’intérieur, l’humain, le sentiment intérieur, l’expérience de ce que c’est d’être là, d’être vivant, de vivre les choses. Ça ne change pas. L’humain du passé, du présent et du futur restera toujours humain, vivra toujours les mêmes problèmes intérieurs, les mêmes expériences extraordinaires, aura toujours les mêmes réactions devant l’inconnu, les mêmes réactions devant le magnifique et l’horrible, devant les coups de foudre et devant les grandes tristesses.

L’humain change de peau continuellement depuis toujours, mais une peau ne reste qu’une peau. L’inexplicable complexité de l’intérieur, l’intérieur qui n’est pas vraiment dedans ou dehors, mais quelque part entre les deux, dans le mental, dans l’interconnexion, dans le tout et dans l’individualité qu’on ne peut s’expliquer, dans l’expérience totale, dans le tout qu’on forme, qu’on tente de mettre dans une case ou dans un contexte, alors qu’on ne pourra jamais totalement le faire, parce qu’on tente maladroitement de s’expliquer l’inexplicable.

Tout est mieux que le reste, mais pas vraiment.

17.7.17

LA PROTECTION

C’est rare qu’on entend encore parler des guides du genre Protégez-Vous. Ça nous permettait à une époque de lire des articles écrits par on sait pas qui, mais qui nous disaient ce qui était bon ou pas. Et vu qu’on pouvait pas aller sur les Interwebs pour lire les commentaires la plupart du temps négatifs des gens qui sont pas contents, ben c’était la référence.

Et quand t’étais un kid avec des parents avertis, ça avait une très grosse incidence sur ce que t’aurais, parce que partout à la télévision, à la radio, au marché, dans ton salon, à l’école, dans la rue t’entendais des gens dire Ça l’air que l’Protégez-Vous a pas bien coté ce jouet-là.

Faque si tes parents t’achetaient pas n’importe quelle bébelle, ça arrivait que t’avais pas l’affaire qui passait à la télé et qui semblait fantastique, parce que ça avait juste eu deux étoiles pour qualité de marde.

Pis des fois, y’en avait une ou deux, des bébelles, qui se rendaient quand même jusqu’à toi, par la magie du quelque chose.

Genre les Crash Dummies. Hello, 1990-1993.

Des petits bonshommes qui explosaient quand tu pesais sur un bouton sur leur ventre. Des véhicules qui se pseudo détruisaient quand ils fonçaient dans quelque chose. Avec des springs pis toutte. C’était mégamusant. YouTubez ça, les jeunes et les moins jeunes, histoire de savoir ce que vous avez manqué. Y’avait même une cassette VHS d’un petit film mettant en vedettes nos personnages favoris qui venait avec certains jouets de la magnifique gamme. Du bonbon.

Sauf que les Crash Dummies, y’avaient une note assez moyenne dans le Protégez-Vous, parce que c’était quand même cheap. Genre que les springs brisaient assez facilement pis que tu perdais des pièces comme quelqu’un perd du poids après une chirurgie bariatrique. Donc c’était déconseillé aux parents d’en acheter à leurs enfants, et probablement conseillé à la place de leur pogner un gros jouet plate en un morceau qui bouge pas ou un genre de jeu de cartes éducatif sur l’histoire de la pomiculture québécoise.

C’est sûr que vu de même, ton enfant va aussi être mieux protégé à regarder de la peinture sécher que de jouer au hockey dans la rue. Et probablement finir dans un état végétatif, en bonus.

D’ailleurs, y’a quelque chose comme une belle ironie que des jouets basés sur des mannequins qui testent des voitures pour notre sécurité et notre protection, soient pas recommandés par un guide pour la protection du consommateur.

Manque juste à savoir qui nous protège du Protégez-Vous.



On est donc rendus plus ou moins vingt ans plus tard dans l’ère post Crash Dummies, vu que pas mal tous les jouets devaient être scrap vers 1995-1996.

Et pourtant, le beau film en VHS précédemment mentionné a été uploadé à maintes reprises sur YouTube par plusieurs excellents samaritains qui trouvaient probablement que l’avoir disponible une seule fois c’était pas assez. Et tous ces vidéos-là mis ensemble ont des centaines de milliers de visionnements.

Pourquoi? Parce que, fondamentalement, y’avait quelque chose de marquant dans ces petits bonhommes là. Ceux qui étaient jeunes à cette époque-là et qui en avaient s’en rappellent encore souvent comme quelque chose de marquant. Sure, c’était probablement cheap que l’criss, mais ça en a marqué, des esprits. On pourra pas dire que l’investissement des parents aura pas été rentable quand deux décennies plus tard on s’en rappelle encore positivement.

Comme quoi, des fois, un trip marquant et pas durable sera mieux qu’une longue expérience durable, mais plate.

18.6.17

L'ESPACE

C'est grand l'Univers. Y'a beaucoup d'espace entre les espaces. Du rien, du vide, des trucs qui flottent. Qui flottent dans le vide. Qui se forment, qui disparaissent. On voit ça de loin, ou on le voit pas vraiment. On regarde dans le ciel, on voit des points blancs dans l'espace, c'est joli. Ça brille. C'est loin, mais c'est aussi un peu indiscernable. Des astres énormes, plus grands qu'on pourrait jamais se l'imaginer, qui sont de minuscules points dans le ciel. Fascinant et un peu épeurant en même temps.

On se promène dans l'espace aussi, parce qu'on peut pas se promener dans les places où y'a pas d'espace. À moins que ce soit une foule, là y'a pas d'espace, mais on peut pousser le monde en s’excusant et on en crée de l'espace pour bouger. Sinon, c'est pas évident de se déplacer dans un non-espace à moins d'avoir un don très spécial, ou d'être infiniment petit. Donc on bouge dans l'espace où il est possible de se déplacer, pour se rendre quelque part ou nulle part, ou un peu des deux à la fois. Le rien physique qui est le plus présent tout au long de notre vie.

D'autres fois on manque d'espace, on en veut plus, on se trouve un peu pris dans son petit espace, donc on en cherche un plus gros pour avoir plus de trucs ou plus de place pour mettre des trucs qu'on a pas ou qu'on pense qu'on aura pour combler le vide dans l'espace, dehors comme en dedans. Des fois on en a trop parce qu'on a rien à mettre dedans, donc on se déplace dans plus petit pour économiser sur autre chose. On coupe dans l'espace physique pour se donner plus d'espace dans nos finances pour donner plus de place à nos loisirs.

Ou on fait rien, parce qu'on s'en fout.


Y'a des espaces qui se créent aussi, qu'on le veuille ou non. De l'espace parce que t'as trop laissé d'espace-temps couler entre toi et l'autre en te déplaçant trop loin dans l'espace sur trop de temps. Ou trop d'espace dans la tête parce que t'étais pas assez présent dans ton espace. Un vide mental qui en amène un physique. Un espace que tu t'imagines, que tu construits dans ta tête et qui finit par se manifester dans le réel. Du vide involontaire qui se trouve une petite place au début et qui grandit exponentiellement, et qui fait que tu te ramasses à une place où tu t'imaginais pas, loin de la place où tu voulais réellement être. Et là t'essaies de sortir de ton nouvel espace où tu veux pas être, mais tu manques de repères pour retrouver les autres qui te manquent tant. Comme être dans une bulle où tous les chemins ont l'air un peu les mêmes, peu importe le chemin que tu prends.

T'as laissé les étoiles fuir sans t'en rendre compte, et maintenant tu peux seulement les voir lointaines dans le ciel.

Heureusement, des fois, en courant assez vite, c'est possible de les rattraper.

22.5.17

TA VIE PLATE

Disons que toi t'haïs les trottoirs. T'as le droit. Tu peux être pour l'idée qu'on doit partager la route tout le monde ensemble, main dans la main dans la porte de char. C'est excitant pour certains la platitude, le sweet nothing. Excitant même, probablement. Sûrement.

Pour d'autres, c'est l'inverse. Le dude weird au coin de la rue qui te fait peur, lui, il l'aime. Il l'aime le bizarre qui se promène avec deux drapeaux à bout de bras dans un quartier semi-douteux. Que tu sais pas trop où il s'en va avec ça, ou quel message il essaie de passer, si message à passer il y a.

Ou ben la madame qui crie après rien ni personne en diagonale d'un bar vers onze heure minuit un jeudi soir. Ben oui, est bizarre. Ben non, a t'attaquera pas. Ben oui ça te sort de ta zone de confort, parce que pour une fois tu vois la maladie mentale en plein dans ta face pis ça fait crissement différent de ta vie plate et qu'en dedans ça te lance un signal différent de la couleur de ton gazon.


Pis là tu vois du monde qui ont pas de logement, parce que pour une raison ou une autre t'as décidé de pas prendre ta voiture aujourd'hui. Du monde qui sont pauvre, du monde sale. Pis ça t’écœure un peu parce que les pauvres qui ont pas de logement c'est sale pis ça quête. Pis là après quelques fois à te surprendre à te rendre quelque part en marchant, tu commences à pu vraiment les voir, parce que t'en vois partout.

Pis un moment donné t'attends l'autobus pis y'en a un qui te parle, pis caliss, le gars est pas méchant. Tu vois que y'est pas là à 100% parce que tsé, c'est un itinérant, mais y'est ben fin. Faque là après finalement tu finis par leur faire un genre de semi-sourire quand t'en croises dans la rue, parce que t'as commencé à finir par lâcher tes estis de préjugés de gars qui croise jamais fuckall de monde différent dans sa vie pis qui trouve juste ça ben drôle de rire des pauvres, à un gars qui commence à réaliser que ce monde-là, c'est du vrai monde. Des vraies personnes qui ont des vraies vies, même si leurs vies sont vraiment plus de la marde que la tienne. Que c'est des humains que tu croises, pas des déchets. Qu'eux autres aussi ont une paire d'yeux pour te voir les mépriser à longueur de journée. Pis que ça lui arrive probablement souvent d'en brailler une shot quand il pense à sa vie.

Pis que l'autre dude pour qui ça pas l'air d'aller ben ben dans sa tête, lui aussi, y'a des moments de lucidité où y doit l'haïr sa vie de marde où tout le monde le juge. Et qu'il peut rien faire pour, parce que y'a justement quelque chose de fucké dans sa tête qu'il contrôle pas.

Parce que y'a personne qui crie sa vie dans le vide par pur plaisir.

16.7.16

LES BOUTS DE PAPIER


Tu te promènes dans la rue, tu viens de t'acheter quelque chose au magasin, n'importe quoi, genre une pomme, et là tu vois le petit collant sur la pomme, donc tu l'enlèves pour la manger. La pomme, pas la collant. Et là le petit papier te colle sur les mains parce que c'est exclusivement à ça que ça sert. Tu réussis finalement à assez jouer avec pour qu'il colle pu, et là vient la décision.


Ben oui, tu peux le lâcher par terre, ton micro-morceau de papier qui colle. Si tu y penses pas, tu t'en rappelleras pas deux ou trois secondes plus tard. Il va probablement pogner dans le vent et se ramasser n'importe où, ou juste coller au trottoir et éventuellement disparaître.

Sauf que, des fois, ça arrive que t'as une conscience un peu conne qui arrive, mélangée à un fond de fierté. T'as le bout collant décollé dans les mains, pis tu le regardes. Pis tu penses Ouin y doit avoir une poubelle pas loin, c'est ben la moindre des choses, en te disant que tu chies toujours mentalement sur les autres parce qu'ils recyclent pas ou prennent pas soin de la planète. T'es tellement mieux que ça, toi.

Et là t'arrives à la conclusion, en regardant assez loin autour de toi, qu'il y en a pas de poubelles à proximité. Et tu roules encore le petit bout de papier entre tes doigts. Tu contemples de juste le laisser tomber par terre, parce que c'est ben juste un bout de papier. Pis que tu peux pas juste mettre ça dans tes poches en attendant. Ça va rester pris ou ben tu va l'oublier pendant deux ou trois semaines et quatre cycles de lavage. 

Ben oui, fais-toi accroire que tu laves tes jeans deux fois par semaine, champion.


Sauf que ta tête, elle, elle pense pas pareil. Ta tête a un certain orgueil, ta tête aimerait ça penser de toi que t'es mieux que ça. T'es pas assez poche pour jeter ça par terre, voyons! C'est un minuscule papier! Garde-le dans tes mains pis attends une poubelle! Sauf que tes mains en même temps ont vraiment le goût de le lancer. C'est justement juste un petit papier tout insignifiant. Tu devrais pas te faire un débat interne là-dessus, t'es pas en train d'exterminer une espèce de félins ou de vendre tes parents. Et en même temps comment est-ce que t'es censé te sentir bien avec ta conscience écologique quand t'as même pas le cœur de pas micro-polluer avec une chose aussi insignifiante? Si toi t'es même pas capable de gérer une aussi petite chose, comment est-ce que tu peux exiger de l'humanité qu'elle fasse mieux avec des millions de tonnes de déchets?

Pis là ton problème de bout de papier devient exponentiellement plus existentiel par rapport à toi pis ta volonté. Tu le sais que c'est juste un insignifiant collant de pomme, mais ta vie en entier passe dans ça. Tu te trouves tellement, tellement décevant de manquer de volonté à ce point-là, d'avoir même pensé lancer ça comme ça sur le trottoir. T'aurais préféré jamais avoir à passer à travers ça. Juste, nonchalamment, t'en départir sans y penser. Tu te mets à remettre en question ce que t'es vraiment, dans le fond, par rapport à l'idée que tu te fais de ta personne, tout en fixant le maudit morceau de papier qui colle de moins en moins.

Pis finalement tu trouves une poubelle tellement ta réflexion a été longue, pis tu tentes de le lancer dedans. Ça fonctionne semi, mais le geste est là. Pis t'es vraiment déçu de toi-même d'avoir eu à passer à travers tout ça. Toi qui te pensais un Parfait Écoresponsable Citoyen du Monde.

Mais bon, c'est dans les petites choses que tu finis par réaliser l'ampleur de la beauté, et de la stupidité humaine.

9.7.16

L'ÉCOULEMENT DES JOURS

Tu te lèves un matin un peu tout croche, sans vraiment savoir pourquoi. T'as les membres qui croustillent un peu trop à ton goût et les paupières qui combattent pour pas lever plus haut qu'au tier des yeux. Pis c'est là, en essayant de te glisser tranquillement le corps en dehors du lit, que tu réalises que t'as dix ans de plus qu’hier.

Pas littéralement dans le sens que t'as dix ans de plus qu'hier. La vie, c'est pas de la science-fiction. Mais que tu réalises que tu vieillis toi aussi, comme tout le monde. Pis ça te fait chier, parce que toi, dans ta tête, t’allais toujours être quasi invincible. T’allais pas être comme les autres, toi. T’allais pas vieillir et devenir plate, te magasiner une maison en banlieue, vivre ta petite vie et just roll with it ‘till the end.

Non, toi, dans ta tête, ta vie allait être comme dans les films. Ça allait être excitant, t’allais faire des choses extraordinaires, vivre ta vie avec une soundtrack mémorable en arrière-plan. T’allais changer le monde, peu importe comment, et sans savoir ce que ça veut dire vraiment. T’étais destiné à de grandes choses, grandes on sait pas à quel point, et sans vraiment savoir c’est quoi des grandes choses, concrètement.

Mais c'est pas comme ça que ça fonctionne, ben non. Ça avance pis tu réalises que tu vis ta vie comme tout le monde. Même si tu le sais que toutes les vies sont uniques et que c’est à nous de se réaliser à notre plein potentiel comme dans un livre de self-help, ça revient quand même à du semi ordinaire. Et que tu finis toi aussi par devenir comme tout le reste, à devenir un petit quelque chose commun.

En fait, tu le devient, mais tu l’as toujours un peu été. Ton être change pas du jour au lendemain quand tu sors de l’école pour te lancer dans le merveilleux monde du marché du travail. T’as toujours été un peu comme les autres, même quand tu te cherchais dans tous les racoins de ta chambre et de la ville étant adolescent. C’est juste que dans ce temps-là, tu te donnais encore le droit de rêver à plus. Dans ta tête, t’étais autre chose, t’allais pas être comme tous les autres. Tu te cherchais peut-être un peu trop, comme on le fait tous à cet âge là, mais au moins, t’avais l’ambition de te trouver, d’être quelque chose d’unique, d’être différent. 


Et c’est ça qui est admirable chez les plus vieux qui essaient et qui foirent. C’est qu’eux, au moins, ils essaient. Ils l’ont pas perdu, la flamme de leur jeunesse qui leur faisait voir leur avenir avec l’espoir ou le désespoir d’en faire quelque chose d’autre. De voir grand. On parle toujours de l’adolescence comme le moment où on vit tout trop intensément, mais c’est toujours mieux une trop grande intensité qu’une apathie désolante. Ben oui, être assistant-gérant dans un magasin d’outils c’est pas aussi excitant que tu l’aurais voulu. Tough shit. Ta job, c’est pas qui t’es. T’as encore le droit d’aspirer à mieux au niveau personnel, à ce qui se passe dans ta tête.

Pis là y’en a qui diront que le vrai monde, c’est pas juste celui que tu t’imagines dans ta tête, mais celui aussi auquel tu dois te confronter à un moment ou à un autre. Celui des guerres, des terroristes, des fuckers à gauche et à droite. Ben oui, c’est déprimant. C’est horriblement déprimant de regarder notre monde, de se dire qu’il sidestep plus qu’il avance. De se dire qu’autant de gens veulent se tirer dessus pour des raisons stupides plutôt qu’au mieux s’aimer, ou au pire juste rester indifférent les uns envers les autres. Mais non, c’est pas ça la vie. La vie c’est plein de belles choses, mais plein de monde aussi qui veulent juste en voir d’autres mourir. Plein de monde qui font des affaires croches, qui font mal à d’autre monde et qui s’en sacrent. Pis ça c’est certain que ça te fuck une vision du monde. Ou que ça renforce ta vision fuckée.

Mais que tu sois initialement super positif ou super négatif, le pire, c’est quand tu finis par juste t’en sacrer. Quand tu finis par juste chercher le confort personnel, quand t’as pu le goût de crier de temps en temps parce que ça te fait chier, quand t’as pu le goût de sourire pour aucune raison en te promenant dans la rue, quand t’as pu le goût de pleurer parce que tu te surprends toi même à être beaucoup trop émotif devant quelque chose de semi-insignifiant.

C’est quand tu te crisses à cent milles à l’heure dans l’apathie de ta vie que tu t’efforces méthodiquement à rendre plate et prévisible, que tu deviens tout ce que tu redoutais devenir étant plus jeune.

Si la vie t’a pas encore trop chiée dans le visage, y’a des bonnes chances qu’il soit pas encore trop tard pour te réveiller dix ans plus tôt dans ta tête, même si ton corps risque de te le reprocher de temps en temps.

Mais au moins, y’aura quelque chose à te dire, au lieu de juste, lui aussi, mourir à petit feu.

27.5.16

LA DÉROUTE

Vous savez, quand c'est juste amusant de pas suivre la route qu'on se trace à longueur de journée dans la tête. Ce superbe chemin dans un beau jardin qu'on se dit souvent assez évident à traverser, mais qui nous prendra finalement au moins toute une vie pour passer à travers, si on est chanceux. Pas qu'on sera chanceux si ça prend toute la vie, mais plutôt si on passe au travers. Du chemin. C'est une métaphore. On se comprend.

Une déroute volontaire pour fucker un peu la routine, pour pas se ramasser à regarder la Poule chaque mercredi soir en se disant que c'est totalement une activité normale et saine. Histoire de pas devenir un mollusque intellectuel. 

Et pas non plus pour nécessairement se transformer en une nouvelle personne épicurienne en recherche d'un fruit caché au Népal. Juste de briser un peu la monotonie dans laquelle on s'installe trop facilement. 

D'ailleurs, parlant d’épicurie, on peut s'entendre que le buzz autour du mot est pas mal terminé quand c'est rendu que le concept autour de la pub de la région de Charlevoix est basé là-dessus. Comme tout ce que Salut Bonjour touche. Habituellement, ça veut dire que c'est déjà mort.

Faque une jolie déroute contrôlée. Passer par la pas même rue que d'habitude, juste pour faire un peu différent pis voir le chemin un peu. Et même si on est de nature un peu moins exploratrice, ça peut juste être de changer de style de pain hot dog. C'est dans les petites choses, même quand ça sonne pas super excitant. Parce que ce l'est pas tout le temps tant que ça, mais ce l'est toujours ben plus que quand tu le fais pas. 


Ton Métro Boulot Dodo, déjà qu'il sonne super déprimant juste à le mentionner, t'es pas en plus obligé de t'arranger pour qu'il soit toujours identique, tous les jours, tout le temps. T'as le droit d'apporter des petits ou gros changements, de changer l'ordre, d'ajouter des étapes, de changer le monde. 

Wow, calme-toi matante, t'es pas Nelson Mandela non plus.

Parce que ça va te tuer un peu, tranquillement par en dedans, ta routine super routinière. Oui, y'a des gens qui disent aimer la routine super routinière. Mais y'a plusieurs personnes un peu mortes à l'intérieur, aussi. À chacun ses idéaux. 

Donc un beau message digne d'un motivateur qui fait des conférences, de dire de pas toujours faire la même chose, de combattre la monotonie du quotidien. Et on se dit tous ça de toute façon, qu'on est pas si plate que ça. Mais c'est pas toujours vrai. Y'a des gens plates. C'est comme ça. 

C'est parce que c'est pas en refaisant toujours la même chose que tu vas apprendre du neuf, que tu vas te rendre compte que y'a don ben plein d'affaires amusantes partout, que y'a pas mal plus de couleurs que tu pensais. La routine, c'est pas juste le confort, mais aussi le risque de devenir une crêpe apathique. 

Pis t'as pas le goût d'être une crêpe apathique.

3.9.15

TON RESTAURANT FAVORI

Disons que toi ton restaurant préféré c'est le Casse-Croûte Chez Johanne parce que ses patates c'est les meilleures au monde, c'est écrit sur la pancarte décrochée à 45 degrés en avant avec les néons à moitié morts qui flashent ass - r ût ez Jo ne. Lisette la serveuse qui est là chaque matin est ben ben gentille avec toi, toujours le refill de café gratuit parce qu'a te connaît de face, mais pas de nom. Les œufs sont corrects la plupart du temps, le bacon est pas précuit, ce qui est un plus. Et c'est raisonnable comme prix pour ce que c'est. T'aimes ça, chez Johanne.

Ça fait des années que tu y vas, chez Johanne, même si t'as jamais vu Johanne la propriétaire. Tu te demandes si c'est vraiment elle qui run la place ou si c'est juste le nom de l'ancienne femme de l'ancien propriétaire.  Ou une personne fictive. En fait, t'en sais rien, tu sais même pas qui est derrière, ni depuis combien de temps c'est là.

Pis là un matin t'arrives pis le café est rendu un dollar plus cher. Étonnant, il avait jamais vraiment augmenté aussi loin que tu te souviennes. Sauf pour accoter l'inflation, disons, comme pas mal tout. Faque t'en fait pas un plat à Lisette. C'est juste un café après tout.

Et là deux semaines plus tard, c'est ton deux œufs bacon patates qui augmente d'un dollar et cinquante pis t'as une confiture en moins. Ton déjeuner est rendu officiellement moins abordable. Lisette a environ vingt pour cent moins de sourire dans le visage, mais tu te dis que c'est des choses qui arrivent. Tu lui passes un petit commentaire sur les deux augmentations, et elle te répond que la propriétaire, qui est, surprise, finalement Johanne, a dû faire des coupures dans les dépenses et augmenter certains prix pour pouvoir arriver. Parce que les temps sont pas faciles. Et tu te dis que c'est la réalité des choses.


Et les semaines passes, et tu remarques que Lisette est pu là chaque matin, que des fois c'est une autre que t'as jamais vu. Et y'a de plus en plus de banquettes vides. Donc pour faire du small talk tu fais le commentaire à la nouvelle que y'a moins de monde, et elle te répond avec un demi sourire. Pas grave, c'est moins sympathique que Lisette, mais c'est la vie.

Prochaine fois que tu vois Lisette, tu lui demandes comment ça elle est pu là chaque matin. Et elle te dit que Jo lui a coupé des heures pour en donner à sa nièce qui sourit à moitié, parce qu'elle lui coûte moins cher, parce que c'est de la famille. T'arrêtes de parler de ça à Lisette parce que tu vois bien que l'émotion lui monte dans les yeux, et tu voudrais pas gâcher ce qui lui reste de sourire.

Et plus le temps passe, plus tu remarques que le restaurant se vide, et que le café goûte de plus en plus l'eau de vaisselle. Même l'odeur de casse-croûte de la place a disparu. Ça sent juste l'apathie amère.

Le lendemain, t'en glisses un mot à Lisette, qui s'ouvre étonnamment à toi en te disant que Johanne a changé, qu'elle a coupé dans le resto pour sauver de l'argent à plusieurs niveaux pour rétablir ses finances coûte que coûte, et que tout ce que ça donne, c'est que la clientèle fuit parce que le service et les repas sont rendus déficients et qu'elle a de la misère à y arriver avec ses nouvelles heures de temps partiel. Tu te dis premièrement que Lisette est capable de vraiment mieux s'exprimer que t'aurais cru possible, et ensuite que Johanne doit vraiment avoir des problèmes financiers majeurs et irrécupérables si a doit pratiquer la mini austérité comme ça.

Et c'est là que tu vois une madame sexagénaire sortir du bureau en arrière, quitter le resto sans rien dire, et partir en Lexus.

Tu regardes Lisette la regarder avec un fond de mépris et une façade de dégoût, et tu comprends que c'est elle, Jo ne.

Et qu'une Lexus, ça vaut plus à ses yeux que la qualité de vie des Lisette et que son resto. Et plus que ton restaurant favori qui est en train de le devenir de moins en moins, à grands coups de Johanne.

Et que même si t'aimes ben Lisette, toi aussi tu risques d'aller voir ailleurs pour ton café et tes œufs. Parce que le concept de la nouvelle Johanne t’écœure. Et le nouveau café aussi.